Famille recomposée : dans la tête (et le coeur) des enfants
Vous êtes-vous déjà demandé comment vos enfants vivent ou avaient vécu la recomposition de votre famille ? Ce qu’ils ressentent dans cette nouvelle configuration familiale ? S’ils rencontrent des difficultés qu’ils n’arrivent pas forcément à vous dire ? Dans leur livre Vivre heureux en famille recomposée, la psy Yvonne Poncet-Bonissol et la coach Stéphanie Assante nous aident à comprendre ce qu’ils traversent.
1/ Les enfants ne se sentent plus en sécurité dans cette nouvelle famille recomposée
La séparation de leurs parents a fait voler en éclats leur routine quotidienne : papa et maman ne vivent plus ensemble, ils leur a certainement fallu déménager, parfois s’habituer à vivre dans deux maisons avec l’un ou l’autre de leurs parents. Or les enfants sont rassurés par la routine et par le fait que leur environnement est stable. Or il ne l’est plus : ils ont dû faire face à la séparation parentale, puis à l’arrivée d’un nouvel adulte dans leur vie… parfois accompagnés d’autres enfants dans lesquels ils peuvent facilement voir des rivaux. Cela peut être très angoissant pour l’enfant, surtout qu’il réalise alors “qu’ils ne peuvent plus avoir une confiance aveugle en ses parents qui l’ont, à ses yeux, trahi. Voilà de faire basculer brutalement sa sécurité intérieure. Voici qu’il lui faut en plus accueillir le nouveau conjoint de son parent et donc s’exposer à de nouveaux “risques” : ne plus être aimé de son parent, être rejeté par le nouvel arrivant, se faire voler sa place.”
Ce dont les enfants ont besoin : de retrouver un peu de paix intérieure. De savoir qu’il peuvent à nouveau avoir confiance (et en qui).
Comment les aider ? En s’efforçant de leur redonner de nouveaux repères. Des repères stables, immuables auxquels ils pourront s’accrocher pour reconstruire leur sécurité intérieure et leur confiance en soi, en les autres, en l’avenir.
Enfin, gardons en tête que les enfants ont tendance à se sentir responsables de la séparation de leurs parents. Il ne faut pas hésiter à leur dire, à leur rappeler et à leur répéter si besoin qu’ils n’y sont pour rien. C’est un besoin fondamental pour les enfants de parents séparés d’être allégés de cette culpabilité.
2/ Les enfants connaissent des émotions parfois violentes qui les dépassent
Ses émotions varient beaucoup d’un enfant à l’autre, selon son âge et son vécu de la séparation. Mais pour les plus petits (moins de 5 ans), c’est la peur de perdre l’un de ses parents, de ne plus le voir qui est souvent très forte (et un peu confuse). Il peut régresser ou montrer des signes d’agressivité. Les plus grands peuvent ressentir une grande tristesse, de la colère ou perdre confiance en eux (ce qui peut se manifester dans leur résultat scolaire). L’ado, quant à lui, comprend mieux la réalité de la séparation mais il peut ainsi être plus inquiet pour ses parents ou pour lui (il peut se sentir dépassé par les responsabilités qui pèsent sur lui ou qu’il pense reposer sur lui).
Ce dont les enfants ont besoin : identifier ses émotions pour comprendre ce qui se joue en eux.
Comment les aider : en les écoutant, vraiment – c’est-à-dire en restant à leur écoute même lorsque ce qu’ils disent n’est pas agréable à entendre – et en les rassurant, sans leur mentir ni les juger.
3/ Les enfants ont tendance à se sentir investis de missions au sein de la famille recomposée
C’est un schéma bien connu : quand l’un des parents est malheureux, quand il supporte mal la séparation, les enfants vont souvent tenter de l’aider, de le soutenir, de prendre parti pour lui. Ils peuvent alors développer un conflit de loyauté : en se sentant bien avec l’un de ses parents, il va avoir l’impression de trahir le second… Une situation inextricable pour lui.
Ce dont les enfants ont besoin : Ils ne doivent pas avoir à choisir entre leurs deux parents ou être placés dans une situation où ils doivent prendre parti. Cela leur épargnera un conflit intérieur particulièrement perturbant pour eux.
Comment les aider ? En évitant de se disputer ou de dénigrer l’autre parent, un faux-pas fréquent des parents séparés qui est douloureux pour l’enfant. Mais aussi en les rassurant systématiquement sur votre moral et votre ressenti à vous, notamment pendant leur absence. Bien sûr, cela peut parfois être difficile mais il convient autant que possible de ne pas faire d’eux des confidents auxquel vous confiez vos difficultés personnelles. Ce n’est pas leur rôle. Si vous avez besoin d’aide, tournez-vous vers un adulte de confiance ou un professionnel qui saura vous accompagner.
4/ Ils sont déstabilisés par le fait de devoir vivre avec un ou plusieurs autres enfants
Devoir d’un coup vivre sous le même toit qu’un autre adulte et ses enfants est une épreuve supplémentaire et en général difficile pour les enfants. La recomposition implique souvent une organisation nouvelle, des règles inédites, des compromis pas toujours évidents.
Et surtout, la jalousie qui s’invite vite dans cette configuration, peut faire des ravages. Les enfants ont souvent peur d’être ou de faire moins bien, d’être critiqués, d’être moins aimés.
Autre facteur déstabilisant pour les enfants : leur place dans la fratrie peut soudain être remise en cause. Or le fait d’être l’aîné ou le cadet n’est pas anodin, cela façonne bien souvent leur personnalité. Tout d’un coup, un aîné peut perdre sa place de “grand”, un cadet devenir grand frère, etc. Ces changements, trop souvent perçus comme anecdotiques pour les parents, sont souvent de véritables bouleversements qui obligent les enfants à s’adapter à leur nouveau rang ou à alterner entre différents rôles.
Ce dont les enfants ont besoin : les enfants des différentes familles ont besoin d’être valorisés – et surtout pas comparés et critiqués – dans leurs différences, leurs disparités, leurs talents.
Comment les aider ? Trouvez des règles cohérentes et les meilleurs compromis possibles pour tous les membres de la famille, verbalisez-les voire matérialisez-les à la maison. Expliquez-les, et faites-les appliquer sans disparité de traitement (à âge égal) ce qui aurait pour effet de nourrir les rivalités. Evitez les critiques et les moqueries sur les maladresses d’un nouveau “grand” qui chercherait à s’occuper d’un “petit” ou des tentatives d’imitation ou de séduction d’un petit envers ses aînés. Encouragez plutôt les interactions positives entre les enfants et rassurez tous les enfants sur leur rang. Y compris les plus grands, les ados, qui ne montrent pas forcément leur trouble de manière aussi évidente que les petits. Mais eux non plus ne sont pas épargnés par les questionnements autour de la position dans la fratrie et cela peut perturber l’équilibre de la famille recomposée.
A lire : Vivre heureux en famille recomposée, de Yvonne Poncet-Bonissol et Stéphanie Assante