Belle-mère cherche place désespérément : s’investir dans la famille recomposée… sans se perdre
Certaines femmes choisissent un homme sans vouloir s’investir auprès de ses enfants. D’autres auront à cœur de construire une « vraie » famille recomposée mais, parfois, ne parviendront pas à trouver leur place… Nos propres questionnements conditionnent ainsi notre rôle de belle-mère. Quel que soit celui que nous voulons ou pouvons endosser, ne culpabilisons pas ! Nous n’avons pas eu de mode d’emploi, ni 9 mois de gestation pour nous y préparer. Le décryptage et les conseils sans langue de bois d’Emmanuelle Drouet, psychologue clinicienne.
Trouver sa place comme belle-mère quand on se sent comme un cheveu sur la soupe familiale
“Quand on se lance dans une famille recomposée, c’est avec l’homme que l’on aime et que l’on a choisi… Et avec ses enfants que, au contraire, nous n’avons pas choisis”, résume de but en blanc Emmanuelle Drouet. “On a souvent très envie de vivre avec le premier, mais en général, un peu moins avec les petits. Et ce n’est que le début. La première difficulté qui arrive très vite, c’est que l’on n’a aucune histoire commune. On va devoir tout construire en partant de rien. Avec des enfants d’âge parfois avancé, qui ont déjà un papa, une maman, et un passif parfois difficile en cas de séparation conflictuelle, on arrive comme un cheveu sur la soupe. Trouver sa place de belle-mère dans une famille qui a déjà une histoire, c’est loin d’être simple.”
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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.
En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.
Trouver sa place quand on devient belle-mère avant d’être mère : le grand bain
“Quand on n’a jamais eu d’enfant, on se sent vite jetée dans la fosse aux lions”, prévient la psychologue. “Parce qu’on nous attend dans un rôle maternel, mais que rien ne nous y prépare vraiment. Contrairement aux mères biologiques, on n’a pas porté les enfants, on n’a pas eu 9 mois pour les rêver et les attendre, des mois de câlins pour faire connaissance.” Si c’est le bébé qui fait la maman et le papa, comment naît la belle-mère ?
… Et une vraie source de stress !
“S’engager avec un homme qui a des enfants, c’est souvent se retrouver confrontée à un sentiment d’absence de contrôle qui n’avait pas toujours été anticipé”, prévient Emmanuelle Drouet. “Par exemple, on ne contrôle pas le mode de garde des enfants, les changements d’emploi du temps dûs à l’autre parent, mais aussi tout bêtement, les moments des vacances ou la destination. Mis bout à bout, cela a une incidence claire sur la vie du couple. Celles qui n’ont pas l’habitude d’avoir des petits enfants dans leurs vies vont trouver leur rôle de belle-mère et de conjointe difficile car les plus jeunes vont avoir tendance à se manifester tout le temps et notamment à interférer dans les moments d’intimité du couple : le petit va tirer le pull de son père quand vous êtes en train de regarder un film sur le canapé, le plus grand va se lancer dans un monologue à table alors que vous aviez un autre sujet de discussion… Ce n’est pas si anodin, car on sait que l’absence de contrôle est source de stress. Devenir belle-mère est stressant et chacune va réagir à sa façon.”
Trouver sa place quand on est mère et belle-mère : pas si évident !
Quand on a déjà des enfants, ce n’est pas toujours beaucoup plus simple. “On peut vivre une forme de conflit de loyauté aussi en tant que parent et beau-parent. Quand on a déjà un ou plusieurs enfants et que l’on va s’installer avec un conjoint qui a déjà des enfants, on va devoir s’occuper tout d’un coup d’autres petits et cela peut être extrêmement difficile vis-à-vis de son propre enfant”, décrypte Emmanuelle Drouet. “On peut se demander : “comment va-t-il vivre le fait que je donne de l’amour à d’autres enfants que lui ? Est-ce qu’il ne va pas se sentir trahi, abandonné, moins aimé ? Certains enfants le formulent très bien : “tu chantes ma berceuse de bébé aux autres ! J’ai perdu ma maman ! Tu n’as plus de temps pour jouer avec moi !” C’est un conflit intérieur dont on parle peu mais qui peut être assez violent. On peut vraiment avoir peur de perdre l’amour de son enfant. Quand on est en garde alternée, le temps que l’on passe avec nos enfants est compté, on y accorde beaucoup d’importance, on a parfois peur de donner l’impression qu’on les délaisse sur le peu de temps que l’on a avec eux. C’est hyper culpabilisant et cela peut jouer sur notre capacité à nous attacher à nos beaux-enfants.”
Trouver sa place de belle-mère quand on ne parvient pas à s’attacher à ses beaux-enfants
“Ce n’est pas politiquement correct, mais il faut le dire : parfois on n’arrive pas à s’attacher à nos beaux-enfants”, explique la psychologue. “Cela peut prendre beaucoup de temps, cela peut ne jamais arriver. Mais ne culpabilisez pas : l’amour n’est pas obligatoire ! Cela peut fonctionner à partir du moment où tout le monde se respecte, où l’on a des projets ensemble. Bien sûr, c’est parfois difficile à entendre pour les beaux-parents : le fait de ne pas parvenir à s’attacher à leurs beaux-enfants peut être vécu comme un échec. Cela peut compliquer leur sentiment de réussir leur famille recomposée et de trouver leur place. Et pourtant, il coule de source pour la société qu’un enfant puisse ne pas s’attacher à sa belle-mère. Pourquoi, alors, une belle-mère serait-elle obligée d’aimer ses beaux-enfants ? On ne choisit pas ce que l’on ressent, on ne peut pas non plus forcer les sentiments. En revanche, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’amour qu’on ne peut pas être dans un quotidien et des temps de qualité avec l’enfant. De la même manière, on n’a pas besoin d’aimer un enfant pour répondre à ses besoins, pour bien s’occuper de lui.
L’amour n’est pas une condition indispensable. Mais avouer cela à son conjoint est tout bonnement impossible ! C’est surtout cela qui joue sur la difficulté pour la belle-mère à prendre de plein pied sa place. Est-ce que cela ne va pas sonner faux si je m’occupe de lui sans l’aimer ? Si je me force ? Suis-je une impostrice ? Cela peut être très difficile à vivre”, conclut Emmanuelle Drouet. Conséquence logique : la difficulté à trouver la bonne distance avec les enfants peut très vite s’accompagner d’un sentiment de malaise et d’extrême de solitude…
Trouver sa place de belle-mère quand on veut trop bien faire pour la famille
La famille recomposée peut devenir une aventure douloureuse si l’on s’investit avec de “mauvaises bonnes intentions”. “C’est notamment le cas des belles-mères qui veulent “sauver” une famille, décrypte la psychologue. Si la maman est décédée, par exemple, ou si le divorce a été très conflictuel. La belle-mère peut être tentée de vouloir compenser, d’arriver comme une super héroïne. Le risque ? Une désillusion violente car elle va vite se rendre compte que c’est difficile, que cela ne tient pas qu’à elle, que sauver cette famille n’est pas en son pouvoir.” Et souvent cela aboutit souvent à un constat d’échec douloureux.
“La place de belle-mère est difficile à prendre et à assumer quand on a tendance à se surinvestir, quand on veut trop en faire et trop bien faire. A vouloir sauver tout le monde, elle va s’épuiser. Avec des frustrations à la hauteur de ses espoirs ! Surtout, bien souvent, la famille elle-même ne lui en demande pas autant ! Cela peut créer de grandes incompréhensions ! Etre belle-mère, c’est donc trouver le juste dosage. Et c’est un challenge : trouver sa place sans trop en prendre, c’est tout sauf évident !”.