« Etre belle-mère peut être compliqué, dur, joyeux, insupportable, génial… »
Le passage de célibataire insouciante à la vie sous contraintes de belle-mère, la recomposition, la naissance de sa fille, le confinement… Ces dernières années n’ont pas été de tout repos pour Emilie. Ses doutes, ses joies et ses hésitations lui ont donné une idée : recueillir des témoignages de belles-mères dans son “Podcast BM”. Pour Les Nichées, elle revient sur sa nouvelle vie en famille recomposée, sur sa quête de partage d’expérience, le tout sans faux-semblants mais avec une bonne dose d’humour ! Un récit singulier qui devrait parler à beaucoup…
“Jusqu’à mon compagnon, il y a 7 ans, je n’avais jamais rencontré un “homme-avec-enfant”. Mais lui en avait 2 qui avaient à l’époque 9 et 4 ans. Et je ne vais pas vous mentir, je n’avais pas du tout envie d’y aller ! Je n’ai pas fait partie de celles qui se disent “L’amour est plus fort que tout, allons-y !”. Non. J’ai vraiment imaginé, jaugé, estimé ce qui m’attendait… Même si les sentiments étaient là, je me suis posé beaucoup de questions. On s’est pourtant assez vite lancés dans la vie commune. Et j’ai découvert, tout aussi vite, que je m’étais pas mal plantée dans ce que j’avais imaginé. (rires).
Devenir belle-mère, un choc heureux
Je me suis tout de suite très bien entendu avec ses enfants, qui avaient 10 et 5 ans au moment de la rencontre. Mais même si je connaissais l’homme derrière le père, je n’avais pas du tout anticipé à quel point devenir belle-mère pouvait être compliqué, dur, joyeux, insupportable, génial ! Même si on fait partie des recompositions joyeuses, j’ai découvert une vie avec beaucoup de contraintes : j’ai dit au revoir à mon appart, où je faisais ce que je voulais quand je voulais, où je pouvais me promener à poil, pour passer à une vie avec un enfant et une préado. Le choc.
Petit à petit, j’ai aussi découvert toutes ces autres choses que je n’avais pas du tout anticipées : par exemple, le fait que je ne décidais plus du tout ce que je faisais en vacances. Ni quand je les prenais, d’ailleurs. Que nous n’avions plus qu’un week-end sur deux de libre et tout ce que cela implique d’anticipation si on voulait partir ou planifier quelque chose avec des amis.
Mon compagnon a plutôt de très bonnes relations avec son ex. Mais au début, j’ai clairement trouvé qu’il avait TROP de bonnes relations avec son ex. Parce qu’elle l’interpellait beaucoup, tout le temps… La hotline était ouverte 24h/24 7j/7, y compris pendant les semaines où les enfants n’étaient pas là, et moi, je ne le vivais vraiment pas bien.
Bref, ça a été un vrai choc. Mais finalement, un choc heureux.
Et au milieu de tout cela, devenir mère
Il y a presque 5 ans, je suis tombée enceinte, ce qui a été diversement accepté par les enfants : la grande notamment – 12 ans à l’époque – était clairement saoulée. On a toujours eu une super relation, très simple, franche et directe (ma chance, c’est que même quand elle m’agace, j’arrive à la comprendre). Et elle n’a pas caché à l’époque qu’elle n’avait pas du tout apprécié l’annonce. Son frère, en revanche, me tannait depuis longtemps pour avoir un petit frère ou une petite soeur et a semblé ravi. Cela m’a rassurée car au tout début, le 1er ou 2ème week-end où nous nous étions vus, il m’avait déclaré avec sa petite bouille de 5 ans : “De toute façon, Emilie, tu n’auras jamais d’enfant car je serai toujours le dernier de papa”. Ambiance.
Le séisme de la naissance
La grossesse s’est plutôt bien passée, j’ai accouché et là, inversement total de situation : la grande est devenue hyper aidante, très à l’écoute, intéressée… Elle a très vite pleinement pris sa place de grande sœur. Ce qui m’a beaucoup rassurée car nous avions eu une conversation quelques semaines plus tôt pendant laquelle elle avait fondu en larmes en me disant “je ne veux pas de soeur”. Un moment assez horrible.
Mais quand Angèle est née, tout s’est bien passé. Enfin pour elle ! Car avec le petit, en revanche, on a connu un retournement de situation hyper violent. Je pense que nous avons commis quelques maladresses, sur le moment… quoi qu’il en soit, la vie à la maison est très vite devenue très compliquée. Mais le pire, c’est qu’il se montrait encore plus dur quand il était chez sa mère. Il a certainement réalisé à ce moment-là que lui n’avait jamais connu ses parents ensemble… Dans tous les cas, c’était tellement dur pour sa maman qu’il a été décidé que pendant quelques mois, il serait avec nous tout le temps…
Tensions et incompréhensions
Vous voyez le tableau à la maison ? Un bébé en bas âge, un enfant en plein mal-être, un papa bien embêté, et moi, jeune maman, qui devais reprendre le travail… A ce moment-là, j’étais très en colère contre mon compagnon parce que je trouvais qu’il ne faisait pas sa part du job, alors qu’avec le recul, j’ai conscience qu’il ne pouvait pas vraiment faire autrement. Mais la recomposition familiale peut donner l’impression de passer “derrière”, parfois, avec des preuves plus ou moins objectives. Moi, par exemple, je suis rentrée de la maternité un jour et les enfants sont arrivés le lendemain. J’étais incapable de dire “non” sur le moment, mais dans mon coeur et dans mon corps de jeune maman, je n’étais pas prête à les accueillir. J’aurais eu besoin d’un moment pour apprendre à être à 3 avant de nous retrouver à 5. Au final, on les a eus, ces moments, mais pas dans cet ordre-là.
Les choses ont fini par se calmer avec mon beau-fils mais, même si cette période difficile est derrière nous, je crois qu’on en porte encore les cicatrices tous les deux. Lui se sent coupable d’avoir été aussi heurté. Et moi, je n’ai pas réussi à complètement passer à autre chose. Je trouve toujours qu’il y va un peu fort quand il est avec sa sœur. J’essaie de ne pas intervenir, je me répète que c’est leur relation…
De l’épreuve du confinement au partage d’expérience
Et puis le confinement est arrivé là-dessus. Tout dans ma vie de famille est passé en puissance 1000 puisque je n’avais strictement aucune échappatoire. Impossible de sortir, de décharger un trop-plein en allant boire un verre avec une copine ! Faire les repas, faire les devoirs, faire le ménage, bosser à plein temps… J’avais l’impression que les enfants étaient tout le temps là et qu’ils passaient tout leur temps à se disputer (ce qui était en grande partie vrai car ils étaient tous très stressés). Ca donnait une ambiance cocotte-minute très sympathique !
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais besoin de parler à mes pairs. A d’autres belles-mères dans la même situation que moi. Je me suis aussi rendu compte que j’avais d’autres copines qui étaient belles-mères mais que si l’on pouvait parler d’absolument tout ensemble, on abordait finalement assez peu notre statut de belle-mère et ses conséquences.
Un podcast pour des ondes positives… et une bouffée d’air frais
Je me suis souvenue qu’au début, j’avais cherché des infos sur des sites ou des groupes de familles recomposées. Et que j’avais essentiellement trouvé des forums où on disait, pour résumer, que les ex étaient des connasses et que les beaux-enfants étaient des tyrans mal-élevés. Ce qui est peut être possible, je ne dis pas le contraire, mais à l’époque on avait l’impression que ça se passait toujours ainsi, alors que ça ne ressemblait pas du tout à ce que je vivais, ni à ce que j’avais envie de partager.
Comme j’étais moi-même très consommatrice de podcast, ce format s’est imposé assez vite pour recueillir des témoignages. J’aime faire parler les gens et partager leur expérience : j’ai commencé avec des copines belles-mères et puis assez vite, d’autres personnes se sont proposées. J’ai fait une trentaine d’épisodes avant d’arrêter. Pour le moment, j’essaie de me reconvertir professionnellement, et puis il y a la famille… mon temps est précieux et aujourd’hui, j’ai besoin de mettre mon énergie ailleurs.
Mais le podcast m’a permis de m’apaiser. Je me suis sentie moins seule. Mieux, je me suis sentie utile ! Aujourd’hui encore il y a des écoutes, des commentaires, des gens m’écrivent pour me dire que le podcast les a aidés. Je trouve ça super. Au final, cela m’a permis aussi un peu de dézoomer de ma situation. Et puis à force de dire à d’autres “n’hésitez pas à vous faire passer devant”, j’ai fini par me l’autoriser. Cela m’a apporté un peu d’air et oui, de l’apaisement.”