“Mon rôle de belle-mère m’a volé ma vie de maman”
A 25 ans, Stéphanie est tombée amoureuse d’un homme qui avait deux filles de deux mamans différentes. 17 ans et deux enfants plus tard, elle raconte son engagement auprès de son mari, son implication auprès de ses filles, l’acharnement des ex… et comment cette vie chaotique de belle-mère s’est faite au détriment de sa propre vie de mère. Un témoignage courageux.
« J’ai rencontré mon mari à 25 ans. Quand je l’ai connu, il avait deux enfants et était séparé de deux mamans différentes. Mais ça ne me faisait pas peur ! Même si pas mal de personnes m’ont mise en garde, je savais que j’allais faire ce qu’il fallait pour mettre ses filles, qui avaient 4 et 7 ans à l’époque, au centre de la famille… Et je les ai tout de suite adorées ! Je me suis immédiatement reconnue en elles et j’ai fait mon maximum pour les préserver et les aider à se construire correctement.
Quand il faut capituler pour le bien-être des enfants
Je suis arrivée dans leur vie à un moment où mon mari était encore en justice pour la garde de sa fille aînée. Je me suis beaucoup impliquée dans la bataille pour la garde : je le soutenais, je lui disais de ne pas lâcher. J’étais convaincue qu’il ne fallait surtout pas que le père perde le contact. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que c’était surtout ma propre histoire qui parlait.
J’ai notamment toujours encouragé mon mari à arrondir les angles avec les mamans… Et je l’ai beaucoup fait capituler pour le bien-être des filles… mais pas pour notre bien-être à nous.
Avec le recul, si je devais changer quelque chose, ce serait ça : moins m’investir dans la relation de mon mari avec ses ex. Car elles savaient comment le titiller et moi je le calmais à coups de « c’est pas grave, laisse tomber »… Mais peut-être qu’en s’emportant, il aurait mis plus de stops, peut-être qu’elles se seraient permis moins d’attaques.
Car des conflits et des provocations, il y en a eus tellement ! D’un côté, sa grande a été énormément manipulée par sa maman jusqu’à ses 10 ans, âge auquel elle n’a plus voulu venir car elle disait être malheureuse chez nous. Pour la plus jeune, il y avait un terrain d’entente d’abord, mais sa maman avait la garde exclusive, la petite n’était avec nous qu’un week-end sur deux… Assez vite, elle a voulu venir en garde alternée mais sa mère répondait qu’elle n’était pas assez grande pour cela. Ca aurait peut-être pu changer mais quand elle a eu 9 ans, je suis tombée enceinte. A partir de là, le comportement de la maman a commencé à changer : les arrangements qu’on avait ne marchaient plus. Les discussions autour de la garde alternée sont devenues explosives. Mais nous l’avons obtenue au tribunal.
Quand la grossesse change les relations avec les ex
J’ai vécu le tribunal enceinte et ça m’a vraiment “bouffée”. La petite, elle aussi, en a énormément souffert. Sa mère lui disait que j’étais tombée enceinte pour obtenir la garde alternée, que j’allais moins l’aimer. Elle s’est retrouvée pleine de peurs, j’ai eu besoin de beaucoup la rassurer : lui dire que je l’aimais énormément mais que je ne serai jamais sa mère. Que je ne souhaitais pas prendre la place de sa maman.
Mais ce “parler vrai” a attisé la jalousie de la maman, qui s’est acharnée contre nous. “Plantages” pour les vacances, décalages au moment de ramener l’enfant… Tout, tout, tout est devenu très compliqué, y compris pour ma petite fille qui vivait une semaine sur 2 avec sa sœur et qui pouvait passer des heures à attendre, comme nous, qu’elle arrive.
On n’a pas lâché, jamais.
Mais ça a été un combat constant. Par exemple, il fallait qu’on se justifie en permanence. Quand sa fille rentrait chez nous le dimanche, elle débitait toutes les horreurs que sa mère racontait sur nous. Et nous, on passait notre vie à nous défendre… Surtout sur les questions d’argent.
Ce qui a fait qu’on a tenu ? L’amour. Mon mari et moi, on savait ce que les ex voulaient faire : nous détruire. La lutte qu’on a dû mener pour se défendre nous a soudés. On s’est habitué au combat.
Les difficultés sous-estimées des petits derniers de la fratrie
Les derniers nés sont-ils les mieux lotis de la famille recomposée ? Stéphanie tord le cou à ce qui est pour elle une idée reçue. “Quand on est tous les six à la maison, ma plus jeune “explose” : elle fait plein de bêtises parce qu’elle a du mal à trouver sa place. Dans ces moments-là, mes filles savent bien nous faire comprendre qu’elles sont là. Car il ne faut pas croire que c’est facile pour elles. Au contraire ! Ma dernière a aujourd’hui un comportement très difficile, elle est très en colère et a du mal à gérer ses émotions. Je suis convaincue que toute notre histoire et nos ressentis en sont la cause ! Quand mon mari est en conflit avec les grandes, c’est souvent les petites qui prennent. Parce qu’elles sont là. Parce qu’elles, il n’a pas peur de les perdre. Parce qu’il n’y a pas de rivalité avec moi, pas de concurrence à celui qui fera le mieux.
On peut penser que les plus jeunes « ont la chance d’avoir leur parents ensemble » mais ils ont leurs parents avec leur mal-être et leur situation chaotique. Chez nous, mes deux filles nous ont toujours connus en train de courir récupérer leurs grandes sœurs d’un côté et de l’autre, faire beaucoup de choses en fonction d’elles ou mêmes souvent être énervés ou tristes à cause d’évènements liés à elles ou rappelant le vécu conflictuel. Elles le savent : c’est souvent les grandes qui priment. Ce n’est pas de la jalousie : c’est la réalité. Elles passent régulièrement au second plan et à elles, on ne pardonne rien malgré leur jeune âge.
Le sacrifice d’une vie de mère “normale”
Aujourd’hui, ses filles sont grandes et… ça va. Mais tous ces problèmes ont terni les relations. Mon mari n’a certainement pas toujours bien fait les choses. Ma formation de médiatrice familiale m’a permis de réaliser aussi ce qu’on avait fait de « pas bien ». Notamment le fait qu’en capitulant souvent, on a joué le jeu du conflit. Même si je ne sais pas si on aurait pu faire autrement…
Mais même si des rancœurs se sont installées de notre fait, pour moi, rien n’excuse de se servir des enfants. Or ses ex-femmes ont mené un véritable combat à travers leurs filles. Il y avait tellement de rancœur chez ces deux mamans qu’elles en ont oublié le bien-être des petites… qu’elles aimaient énormément pourtant.
Aujourd’hui, on a une relation plutôt saine avec ses filles. On a beaucoup discuté, j’ai pris beaucoup de temps avec elles pour leur expliquer, pour leur parler de notre passif. Mais si je suis honnête, je peux dire qu’en tant que belle-mère, je n’ai pas eu la vie de maman que j’aurais pu avoir. On m’a volé ma vie de mère. Je ne regrette rien, j’ai contribué à ce que mes belles-filles se construisent. J’ai beaucoup voulu les préserver mais je l’ai fait à mon détriment. Et au détriment de mes deux filles à moi, qui sont nées depuis. Selon moi, tout ceci a abimé les relations et fait souffrir beaucoup trop de monde, avec de vrais dommage collatéraux. D’une certaine façon, ça a gâché leur enfance et rendu les relations moins fluides. Etre obligé de faire attention tout le temps, à tout, c’est aussi très difficile.
De l’expérience perso à la reconversion pro comme médiatrice
Entre temps, je suis devenue médiatrice familiale. Et je suis heureuse de l’être car mon plus grand souhait est d’éviter que les enfants deviennent des messagers, qu’ils ne soient pas manipulés. Eviter que le parent soit tellement en souffrance qu’il n’arrive plus à penser à son rôle parental.
Si chaque histoire est différente, les sujets qui font discorde sont souvent les mêmes. « Est-ce que c’est bien pour le bien-être de votre fille que vous interdisez à son père de venir à son spectacle car ce n’est pas sa semaine de garde ? » « C’est quoi l’intérêt de l’enfant pour vous ? ». Quand je reçois des familles recomposées, je suis très vigilante sur la place de chacun, notamment celle des beaux-parents et des enfants de toute la famille, y compris les enfants du conjoint ou les nouveaux enfants en commun. Je remets tout le temps l’enfant au centre. Car pour tous, ce devrait être ce qui prime. »