je me suis désengagée de mon rôle de belle-mère
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“J’ai voulu sauver ce qui pouvait l’être : je me suis désengagée de mon rôle de belle-mère » 

Belle-mère avant d’être mère, Emma s’est cassée les dents sur les deux ados de l’homme qu’elle aime. Devenue mère, les tensions s’aggravant au fil des ans, elle décide de sauver ce qui peut l’être : son couple, sa famille à 3 avec son fils. Alors elle met de la distance, physique et émotionnelle, pour rester la compagne du père, mais ne plus se sentir belle-mère de ses enfants. Un équilibre fragile, elle le sait, mais qui lui apporte aujourd’hui un peu sérénité.

“J’ai rencontré mon conjoint en 2011, il vivait dans le Sud, était divorcé et avait deux enfants de 11 et 8 ans, dont j’ai fait la connaissance 6 mois plus tard, le temps d’être sûrs de nous. Et jusqu’à ce qu’ils aient 11 et 14 ans, les relations se sont hyper bien passées. Avec leur père, nous vivions une semaine sur deux ensemble : une semaine, il était avec ses enfants dans le Sud, une semaine avec moi à Paris. Je descendais pour les week-ends et les vacances, jusqu’en 2014, où nous avons décidé de faire un enfant. J’ai alors tout lâché sur Paris pour m’installer avec eux dans le Sud. J’avais 35 ans et je l’ignorais à l’époque, mais c’était… une “belle boulette” !

Le choc de la cohabitation avec les enfants

Je suis arrivée comme un chien dans un jeu de quilles. A la maison, les enfants avaient pris le pouvoir sur le père. J’avais l’impression qu’ils ne faisaient attention à rien, ils ne faisaient rien pour aider et prenaient leur père pour un taxi au mieux, un esclave, au pire. Ca a été un vrai choc. Pendant les trois années précédentes, je n’avais été là que pour les bons moments, je n’avais vu qu’une facette de leur vie. J’aurais dû voir les signaux d’alerte…

Mais à ce moment-là, c’était trop tard, j’étais enceinte de 7 mois et remplie de toutes mes hormones de la grossesse, j’ai voulu rétablir 2-3 règles en me disant “dans 2 mois, nous serons 5 !”. Je dis que c’est moi qui ai rétabli des règles parce que le papa, lui, ne voulait pas. Ca n’a pas aidé. Le cadre est venu de moi, cela a créé des tensions d’entrée de jeu. Et mon fils est né avec un mois d’avance…

“Notre petit frère va nous piquer notre héritage”

J’ai l’impression que c’est le moment où les enfants ont décidé de me détester, certainement parce que j’avais remis chacun à sa place dans la famille recomposée. L’ex en a profité pour s’engouffrer dans ce que les enfants pouvaient raconter. Je m’attendais à ce qu’elle ait envie de me rencontrer, vu que j’allais vivre avec ses enfants. Mais non, elle s’est contentée d’être odieuse avec mon compagnon. Les enfants avaient alors 14 et 12 ans pour la dernière, et ils ignoraient mon fils. Et puis il y a eu des phrases difficiles, étonnantes dans la bouche d’enfants : « Notre petit frère va nous piquer notre héritage », « Il va avoir plus d’argent que nous », « Quand est-ce que vous lui faites faire ses nuits ?».

A partir de là, les relations sont restées conflictuelles. Les enfants donnaient le change quand leur père était présent, mais ils me faisaient vivre l’enfer dès qu’il était en déplacement professionnel.

Tous les scénarios possibles pour se protéger

J’ai craqué au 1er janvier 2019. On venait de passer des fêtes de Noël horribles, j’avais gambergé toute la nuit. Le grand était déjà parti faire ses études supérieures, la plus petite allait mal, elle était infecte, même son père et sa mère ne savaient plus quoi faire. Mon fils vivait très mal les tensions : je me suis dit que mon rôle de maman était de protéger mon enfant qui allait mal. Et moi aussi, par la même occasion, parce que quand on ne t’écoute pas, qu’on ne te parle pas, qu’on t’insulte, c’est presque un réflexe de survie.

Pour moi, c’était devenu invivable, il fallait m’éloigner mais je ne voulais pas mettre mon conjoint en porte-à-faux. J’aimais toujours mon homme : je n’aimais pas le papa qu’il était avec ses premiers enfants, mais j’aimais le papa qu’il est avec notre fils. Je lui avais toujours dit qu’il était clair que notre fils serait éduqué différemment et il m’a suivi : deux éducations très différentes, ça donne aussi un papa très différent. 

J’avais préparé plusieurs scénarios : on se sépare, il vit une semaine sur 2 avec nous pour rester avec sa fille l’autre semaine, sa fille reste avec nous mais en pension. Au final, on a décidé de partir tous les 3 pour échapper à l’omniprésence de l’ex, que l’on a mise au pied du mur puisqu’elle se retrouvait à garder sa fille toute l’année. Ce déménagement a été déjà un premier pas dans mon désengagement.

De l’éloignement au désengagement de la famille recomposée

Cet éloignement a fait que je me suis encore moins intéressée à ce que les enfants devenaient. Ils ne sont pas “tabous”, mon compagnon peut m’en parler, j’écoute et je réponds en essayant de rester le plus neutre possible. Mais moi, je ne provoque plus de conversation à leur sujet, je ne prends plus de nouvelles. La maison leur est ouverte. Sa fille ne vient plus depuis mars 2020. Mais mon conjoint va toujours les voir : il n’a jamais été question de couper les relations, de les couper de leur père. Pourtant, un jour, on a appris qu’ils avaient téléphoné à des membres de la famille et leur expliquant qu’ils pensaient que leur père était sous emprise – mon emprise -. Ils ont raconté qu’ils n’arrivaient pas à le joindre, qu’ils ne pouvaient plus le voir quand ils voulaient, qu’il ne leur donnait plus d’argent, que je devais détourner cet argent…

A lire !
De son expérience, Emma a tiré un roman “Ne m’attendez pas pour le dîner”. Il parle du rôle de belle-mère, bien sûr, de comment la famille recomposée peut abimer et ce qui peut sauver les blessés de la recomposition. Ca vous parler ! Cliquer ici pour le commander sur Amazon

Le point de non retour

Ça a fini de briser la relation. Ce qu’ils ont exprimé, c’est qu’ils ne veulent pas de moi dans la famille. Qu’ils ne veulent pas de relation avec leur petit frère. Même si le grand semble faire un peu plus semblant… Il ne demande jamais de nouvelles mais achète une boîte de Lego à Noël.

Cette accusation d’emprise m’a vraiment fait comprendre que ça n’ira jamais. Qu’il y aura toujours quelqu’un pour alimenter la colère et la haine. Je sais que sa fille est toujours aussi en colère contre moi, même si ça fait 4 ans qu’on ne s’est pas vues. J’ai l’impression qu’elle a oublié les bons moments, ce que j’ai pu faire pour elle ou ce qu’on a partagé. Les anniversaires, les Noëls… même devant les photos, elle soutient que je n’ai jamais rien fait pour elle. 

Ne plus être belle-mère

Dans ma tête, j’ai quitté 500 fois mon mec. Et puis je me suis demandée : “mais qu’est-ce qui m’oblige à être belle-mère?” J’adore notre vie à 3. C’est simplement qu’aujourd’hui, je n’ai plus d’implication émotionnelle et je me suis dégagée des obligations du rôle. Je ne prends plus de nouvelles, je ne m’inquiète plus pour eux, je ne fais plus de cadeaux à Noël. Dans ma tête, je ne suis plus belle-mère. Je sais que ça aurait été plus difficile si mes beaux-enfants étaient plus jeunes. Mais je me suis mis tellement de pression pour être une belle-mère correcte quand ils étaient petits ! Je sais que j’aurais pu tout faire, j’aurais toujours reçu des reproches. C’est pour cela que j’ai décidé de ne plus en faire.

Aujourd’hui, je me dis qu’ils appartiennent à la vie de mon conjoint, mais ce n’est plus la mienne. Bien sûr, ça altère beaucoup la qualité du couple, mais j’essaie d’éliminer au maximum l’intrusion de ses enfants dans notre vie. Et quand il va les voir, je fais autre chose : je ne suis pas celle qui attend qu’il revienne.

Se désengager sans mettre son couple en danger

On en a beaucoup parlé : il a pris conscience de ce que j’avais vécu, de ce qu’ont fait les enfants…même si j’ai probablement fait des erreurs aussi. Il a accepté mon choix parce que notre vie tous les 3 se passe super bien et que l’on n’a pas d’autres sujets de discorde. Et puis il voit bien que je suis moins stressée, plus zen. Que le fait de me dire : « non je ne suis pas belle-mère, je suis “juste” la compagne du père » fait que je ne me sens plus redevable comme avant. Ca aurait fini par faire exploser notre couple. Et pourquoi sacrifier notre histoire et notre vie de famille à 3 pour ces enfants qui nous pourrissent la vie ? J’ai sauvé ce qui pouvait l’être.

Bien sûr, cela reste un équilibre fragile : il y a constamment des piqûres de rappel. Je ne sais pas vraiment si ça peut durer. Est-ce que mon couple va tenir ? Au mariage des enfants, comment ça va se passer ? Et si mon mec meurt avant moi ? Je sais que ce ne sera jamais vraiment terminé, j’essaie d’avancer avec le maximum de sérénité possible, mais j’ai bien conscience que des étapes-clés de la vie peuvent arriver et faire tout basculer.

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.