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Enfant de parents séparés, voici ce que m’a apporté de grandir en famille recomposée

Avoir de nouveaux frères et sœurs et pleins de rires à la maison, mais aussi avoir peur de n’être nulle part à sa place ou de perdre l’amour de ses parents… Grandir avec des parents séparés est souvent difficile.  Aujourd’hui belle-mère de deux jeunes enfants, Sacha du compte Instagram Belle-Mère Adoptée revient sur les richesses et les difficultés que lui a apportées son enfance en famille recomposée, mais aussi sur sa capacité à comprendre ce que traversent ses propres beaux-enfants. Une plongée intime dans le cœur des enfants confrontés au divorce et à la recomposition.

Les Nichées : Tu as toi-même grandi en famille recomposée. Quel souvenir en gardes-tu ? Avec le recul, que penses-tu que cela t’a apporté ?

Sacha de Belle-Mère Adoptée : “La famille recomposée, c’est ma normalité. J’étais trop petite quand mes parents se sont séparés, je n’ai aucun souvenir de ma vie d’avant, avec mes parents ensemble. De la famille recomposée, je garde surtout le souvenir que c’était ma famille à moi. Belle, grande, riche de ses diversités. Ce que j’ai trouvé chouette, c’est que mes parents se séparent. J’ai souvenir de disputes entre eux, de tensions. J’ai ressenti leur séparation comme un immense soulagement, car elle signifiait « c’est fini les disputes ». 
Ensuite, j’ai adoré avoir des frères et sœurs des deux côtés. Pas de « demi » pour moi, ça a toujours été un non-sens. C’étaient mes frères et sœurs, tout court. Avoir une grande fratrie signifiait six fois plus de rires, de compagnons de jeux, de confidents, d’amour, d’entraide dans les moments difficiles. C’est toujours le cas aujourd’hui.
Un autre aspect que j’ai trouvé chouette, avec le recul, c’est que vivre en famille recomposée m’a appris la résilience et à m’adapter à toutes les situations. Je prends les choses comme elles viennent, j’accueille la vie avec ce qu’elle a à m’offrir parce que l’histoire de mes parents, mon histoire, m’ont prouvé que du bon peut sortir de toute situation. Que la vie nous réserve de jolies surprises, pour peu qu’on soit prêt.e.s à leur ouvrir la porte.

Les Nichées : Tu souviens-tu de choses, en revanche, qui étaient difficiles à vivre pour la petite fille que tu étais ?

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Ce qui a été plus difficile à vivre, c’est la crainte de ne plus avoir ma place nulle part. Quand mes parents ont refait leur vie, j’avais peur – comme mes beaux-enfants ! – d’être en trop. Un boulet qu’on se traîne par obligation, mais dont on aimerait bien se débarrasser, à l’image du petit Poucet. Bien sûr, les adultes autour de moi m’ont rassurée au fil du temps. Mais cette peur était grande à l’époque et prenait toute la place dans mon cœur de petite fille.
Le regard des autres enfants n’était pas toujours évident, non plus. À l’époque, les divorces étaient peu courants. J’étais regardée comme la bête curieuse, parfois mise à l’écart parce que « non, je ne peux pas venir à ton anniversaire, je suis chez mon papa ». Ou « je ne peux pas continuer l’athlétisme cette année si c’est le samedi. Car un samedi sur deux, je suis chez mon papa ». J’avais parfois droit à « tu peux jamais de toute façon, on te demande plus ! ».

Les Nichées : Et concernant ta nouvelle fratrie, tu as pu parfois ressentir des difficultés ?

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Le fait d’être l’aînée était compliqué, au regard de ma relation avec mon père. Il se reposait sur moi concernant mon petit frère, qu’il connaissait moins que moi puisqu’il ne nous recevait qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Il me posait des questions qui paraissaient anodines, mais qui pesaient lourd sur mes épaules d’enfant. « Sacha, il aime manger quoi Graine de chamois ? ».
S’il était malade, c’était « Sacha, vérifie si c’est bien ça qu’il doit prendre comme médicaments » etc. Il passait aussi par moi pour transmettre certains messages. Je me souviens d’une fois où mon beau-père avait signé nos bulletins de notes, à mon frère et moi. Je m’étais pris un savon. « Sacha, c’est quoi ça ? Il n’est pas votre père ! Je ne veux plus jamais voir ça, tu as compris ? ». Je n’avais pas le recul nécessaire à l’époque pour lui dire que ce n’était pas à moi qu’il fallait s’adresser, mais aux adultes.
Je n’aimais vraiment pas quand il faisait ça, cette responsabilité qu’il me faisait endosser. Heureusement, ma mère et mon beau-père me « remettaient » toujours à ma place d’enfant quand je rentrais chez eux.

Les Nichées : Et que pensais-tu de tes beaux-parents ? 

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Mes beaux-parents sont entrés très tôt dans ma vie. J’avais cinq ans pour mon beau-père et six pour ma belle-mère. J’ai peu de souvenirs, mais je crois les avoir adoptés assez rapidement.
Ça a été un peu plus compliqué vis-à-vis de mon beau-père. J’avais une relation très forte avec ma mère. Fusionnelle. Je ressentais un mélange d’amour-haine envers lui au début. Je l’adorais et pourtant, j’avais peur qu’il me vole ma maman ou qu’il l’éloigne de moi. Il a fait preuve d’une infinie patience, de beaucoup de compréhension et a toujours été à mon écoute. Tout en douceur, il m’a rassurée et nous avons trouvé notre rythme à quatre… puis à six.
Vis-à-vis de ma belle-mère, c’était plus simple. J’avais des relations compliquées avec mon père et je pleurais avant d’aller chez lui. J’étais heureuse que ma belle-mère débarque dans nos vies. Quand j’allais chez mon père, elle faisait office de figure rassurante, d’adulte qui assure dans un contexte souvent insécurisant pour moi.
Mon beau-père nous a élevés sans jamais faire de différence entre mon frère, mes sœurs (les filles qu’il a eues avec ma mère) et moi. Il a toujours dit « j’ai quatre enfants » et nous aime d’une manière inconditionnelle. Même s’il y a eu quelques moments compliqués au moment de l’adolescence, nous sommes aujourd’hui très proches.
Ma belle-mère aussi nous a accueillis à bras ouverts. Elle avait pourtant déjà deux enfants d’une première union et a eu ma sœur avec mon père par la suite. Je n’ai jamais senti de différences de sa part non plus. Elle a divorcé de mon père quand j’avais seize ans. J’en ai trente-quatre aujourd’hui et nous nous voyons toujours régulièrement !

Les Nichées : Maintenant avec le recul, vois-tu tes beaux-parents différemment ?

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Oui, je vois mes beaux-parents différemment depuis que je suis belle-mère. J’ai conscience de tous les défis auxquels ils ont été confrontés, de tous les questionnements qui les ont animés. Je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque. J’en ai rediscuté avec tous les deux depuis, et je les remercie de m’avoir montré le chemin.

Les Nichées : Ton enfance en famille recomposée a-t-elle joué sur ton rôle de belle-mère ? 

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Je ne pense pas avoir conscientisé mon rôle de belle-mère avant de le vivre. Je n’ai pas réfléchi à celle que je voulais être ou ne pas être. Je suis tombée amoureuse de monsieur Papillon dans toutes ses dimensions. Dans ce « toutes », il y a ses enfants. Ils ont contribué et contribuent encore à faire de lui la personne qu’il est. J’étais heureuse et pressée à l’idée de faire partie de leur vie. Et à la fois, un peu effrayée aussi. Mais je me suis dit : OK. Cette situation, tu la connais. Tu sais ce qui a été positif et un peu plus compliqué dans le fait d’avoir des beaux-parents. Tu ne navigues pas à vue et, en plus, tu as des personnes-ressources autour de toi si les doutes prennent le dessus. Mes beaux-parents, et ma mère, bien sûr. Elle m’aide à prendre du recul et à me placer du point de vue de monsieur Papillon. Dans mon couple et avec mes proches, on forme une équipe. Je pense que j’aurais été bien plus effrayée si j’avais dû avoir des enfants moi-même, mais ça… c’est un autre vaste sujet !

Les Nichées : Dirais-tu que tu es une belle-mère avec “une longueur d’avance”, du fait de ton expérience familiale ?

Sacha de Belle-Mère Adoptée : Je ne pense pas avoir de longueur d’avance. Je suis souvent aussi larguée que n’importe quel adulte qui évolue avec des enfants. J’ai l’impression d’être encore une enfant moi-même par moments, de continuer à grandir avec eux tout en étant l’adulte qui va leur apporter les outils pour faire leurs propres choix, un jour. Ce n’est pas simple comme responsabilité, ça suscite des tas d’interrogations. En ça, je pense que je suis comme tout le monde.
En revanche, sur tout ce qui fait d’eux des enfants de parents séparés, je crois avoir un regard différent. J’ai souvent l’impression de me voir, moi, trente ans plus tôt, face à leurs réactions. À travers certains mots employés, certains comportements, certaines questions… Je comprends ce qui se joue en eux. Parce que je suis passée par là. Parfois, je me plante et ils savent me le dire quand c’est le cas ! Ils ne sont pas moi, ils sont deux personnes à part entière. 
Mais souvent, je tape juste. Dans ces cas-là, je leur parle comme si je parlais à la petite fille que j’étais. Et puis, je discute en aparté avec monsieur Papillon, pour l’aider à comprendre ce qui se passe pour eux. Non pas qu’il ne puisse pas comprendre ses enfants par lui-même ! Il est très à l’écoute, attentif à leurs besoins. Mais il a grandi avec ses deux parents ensemble et il appréhende parfois plus difficilement certaines réalités. De la même manière que lui me rassure et m’aide parfois à avoir un autre regard sur certaines situations qui me sont inconnues du fait d’avoir grandi avec des parents séparés.
Les maîtres mots sont, pour moi, la communication et le fait de former une équipe. C’est avec ces deux boussoles que nous bâtissons notre couple et notre famille recomposée.”

Retrouvez Sacha et les aventures de sa famille recomposée, sur son compte Instagram La Belle-mère adoptée

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.