Comprendre le conflit de loyayté
Parent séparé

Comprendre le conflit de loyauté, cet ennemi invisible, et pourtant si dangereux, de la famille recomposée

Le conflit de loyauté, on en parle souvent, mais sait-on exactement de quoi il s’agit ? C’est une dynamique fréquente dans les familles recomposées, où les enfants peuvent se sentir tiraillés entre deux figures parentales ou deux environnements familiaux. Il passe souvent inaperçu mais peut créer des tensions émotionnelles profondes et avoir des répercussions sur toute la structure familiale. Zoom ses caractéristiques et mécanismes pour le comprendre et déjouer ses pièges.

Qu’est-ce que le conflit de loyauté ?

Le conflit de loyauté se manifeste lorsque l’enfant se sent contraint de choisir entre deux figures d’autorité, souvent ses deux parents biologiques, mais aussi bien souvent dans la famille recomposée entre son beau-parent et son parent biologique du même sexe. Comme s’il devait choisir entre camp, sa mère ou sa belle-mère. Son beau-père ou son père. Sa mère ou son père.

L’enfant est alors piégé par ce sentiment de division. Il se retrouve littéralement pris entre deux obligations ou loyautés affectives qu’il estime incompatibles : aimer et respecter à la fois son parent biologique et son beau-parent, ou bien son père et sa mère de l’autre côté.

Le problème, c’est que ces conflits peuvent être particulièrement douloureux pour les enfants, car ils finissent souvent par avoir l’impression qu’en choisissant de s’attacher à un adulte ou à un environnement familial, ils trahissent l’autre parent. Même si, en l’occurrence, l’autre parent ne lui a jamais demandé de choisir. Et cela peut entraîner des comportements contradictoires, des réactions émotionnelles conflictuelles, et des difficultés à se sentir chez lui chez son parent, ou dans la nouvelle famille recomposée. 

Les causes du conflit de loyauté

Le conflit de loyauté peut avoir différentes origines, mais il dépend généralement de ces facteurs :

1. Les conditions du divorce ou de la séparation de ses parents biologiques

Lorsque les parents se séparent, l’enfant est naturellement tiraillé entre les deux. Si les parents sont en bons termes, il peut s’adapter plus facilement à la situation et se sentir bien avec l’un, sans avoir l’impression de léser ou de trahir l’autre. Cependant, si la séparation est conflictuelle, l’enfant peut être involontairement entraîné dans une rivalité où chacun des parents cherche à obtenir son allégeance. Ce phénomène est exacerbé lorsque l’un des parents exprime des critiques ou des ressentiments à l’encontre de l’autre parent ou du nouveau beau-parent, créant ainsi un climat de tension et empêchant un lien d’attachement de se créer avec ce nouvel adulte qui fait désormais partie de sa vie.

2. La présence d’un beau-parent

Disons-le tout net : la famille recomposée est souvent une situation aggravante. Parce que l’apparition d’un beau-parent peut créer un stress supplémentaire pour l’enfant (“Mon père va-t-il moins m’aimer maintenant qu’il a une amoureuse ? Va-t-elle prendre ma place ? Ses enfants vont-ils me remplacer dans son coeur ?”). Surtout qu’il a vite fait de se sentir déloyal envers son parent biologique s’il développe des liens affectifs avec son beau-parent (“Si je m’entends bien avec ma belle-mère, ma mère va croire que je ne l’aime plus… Elle va le savoir et être malheureuse »). 

Le conflit de loyauté peut créer chez l’enfant une vision “à charge” contre le parent ou le beau-parent qui va être perçu comme une menace à l’équilibre familial antérieur (quand il avait son parent biologique rien que pour lui, notamment). Résultat : l’enfant va craindre que montrer de l’affection à son beau-parent soit vu comme une trahison par l’autre parent. Il risque donc de prendre ou de garder de la distance, de volontairement s’empêcher d’être sympa ou de s’attacher à ce nouvel adulte. Et en général, plus celui-ci fera d’efforts pour créer des liens, plus il risque d’augmenter le rejet de l’enfant, qui pourra y voir une tentative de l’amadouer, de l’acheter… pour mieux le détourner de son parent !

3. L’attitude des parents

Dans certains cas, les parents ou beaux-parents peuvent, volontairement ou non, exercer une pression sur l’enfant en lui demandant implicitement de « choisir » un camp. Cette situation est particulièrement préjudiciable lorsque les parents en conflit font passer des messages négatifs ou ambigus à l’enfant à propos de l’autre parent ou du beau-parent. 

Ces attentes peuvent accroître le sentiment de culpabilité et la confusion chez l’enfant. Quelques exemples partagés par des belles-mères aux Nichées de ce qui certain.e.s ex ont pu dire à leurs enfants et qui a été grandement préjudiciable au développement du lien dans la famille recomposée : “ta belle-mère fait semblant de t’aimer”, “ton père va t’abandonner maintenant qu’il a un nouvelle femme”, “n’accepte pas les cadeaux de la femme de ton père ou de sa famille, ils ne sont rien pour toi…”. Sans parler des très ambigus “Amuse-toi bien chez maman et Christophe, vous devez bien rigoler ensemble pendant que je suis tout seul ici…”.

Comment reconnaître les signes du conflit de loyauté chez l’enfant ?

Le conflit de loyauté se traduit par différents comportements chez l’enfant, en fonction de son âge, de sa personnalité et du contexte familial. Mais certaines manifestations sont assez courantes.

1. Les comportements contradictoires

L’enfant peut afficher des comportements différents selon qu’il est avec un parent ou l’autre. Il peut, par exemple, rejeter son beau-parent lorsqu’il est avec son parent biologique, ou au contraire se montrer distant avec son parent biologique lorsqu’il est avec son beau-parent. Ce comportement est souvent un mécanisme de défense, l’enfant tentant de maintenir une forme d’équilibre émotionnel entre les deux foyers.

2. Lexpression d’un fort sentiment de culpabilité

L’un des effets les plus directs du conflit de loyauté est la culpabilité. L’enfant se sent coupable de trahir un parent chaque fois qu’il exprime de l’amour, de l’affection ou du plaisir avec l’autre. Ou parfois même seulement quand il quitte l’un pour aller chez l’autre. Cette culpabilité peut devenir chronique et influencer son bien-être émotionnel, affectant ses relations avec les deux parents. A quoi on le voit ? Un enfant peut très bien se priver de s’amuser, de manger, de rire chez un de ses parents car passer du bon temps signifie pour lui trahir l’autre (surtout s’il imagine son parent seul, isolée et malheureux sans lui). L’absence de plaisir, le repli sur soi, la tristesse chronique doivent alors être des signaux d’alerte.

3. L‘émergence de troubles émotionnels et comportementaux

Un enfant pris dans un conflit de loyauté peut développer divers troubles émotionnels comme l’anxiété, la tristesse, voire des signes de dépression. Ces sentiments peuvent également se traduire par des troubles du comportement, comme l’agressivité, l’isolement ou la rébellion contre les figures d’autorité… A commencer par le parent ou le beau-parent qui sont alors des boucs-émissaires idéaux et peuvent être accusés de tous les maux (même quand ils mettent tout leur coeur pour essayer de bien faire). 

Dans d’autres cas, l’enfant peut chercher à éviter les situations familiales conflictuelles en adoptant une attitude de retrait ou d’indifférence. Il ne jouera pas, ne souhaitera pas participer aux activités, s’isolera dans sa chambre, les jeux vidéos, le silence…

4. La prise de position… parfois très radicale

Parfois, un enfant choisira de prendre parti complètement pour l’un des parents, excluant ainsi l’autre de sa sphère affective. Cette stratégie, bien que rassurante pour lui à court terme, est dangereuse et douloureuse sur le long terme, car elle peut provoquer une rupture avec le parent rejeté et une culpabilité accrue si l’enfant réalise plus tard l’injustice de cette décision.

Les conséquences du conflit de loyauté pour la famille recomposée

Les conflits de loyauté peuvent avoir des répercussions négatives non seulement pour l’enfant, mais aussi pour l’ensemble de la dynamique familiale. Sans surprise, les conséquences que l’on peut observer peuvent être douloureuses pour tous.

1. La détérioration des relations parent-enfant

Le conflit de loyauté peut entraîner une détérioration durable des relations entre l’enfant et l’un ou l’autre de ses parents. Si un enfant se sent contraint de choisir un camp, il risque de s’éloigner de l’un de ses parents, ce qui peut créer des tensions, des malentendus et des rancœurs à long terme.

2. La fragilisation de la famille recomposée

Si aucun lien d’attachement ne se crée entre le beau-parent et l’enfant, celui-ci ne laissera pas l’adulte prendre sa place ni dans la famille recomposée, ni dans sa vie. L’amoureux de maman ou l’amoureuse de papa, sera cantonné à un rôle satellite, jamais vraiment légitime à se mêler de sa vie, à prendre soin de lui… et encore moins à faire preuve d’autorité !

Il peut aboutir à un rejet pur et simple, parfois nourri par l’autre parent qui de son côté, se sent menacé par le beau-parent. Mais quoi qu’il en soit, l’attitude de défiance ou de totale indifférence de l’enfant est une menace pour le nouveau couple et un bien mauvais départ quand on souhaite créer une nouvelle famille et une vie sereine tous ensemble.

3. Des difficultés de confiance chez l’enfant

Un enfant pris dans un conflit de loyauté peut avoir des difficultés à faire confiance aux adultes qui l’entourent. Ce manque de confiance peut s’étendre à d’autres aspects de sa vie, affectant ses relations avec ses enseignants, ses amis et plus tard ses partenaires amoureux. Le sentiment de trahison ressenti envers l’un des parents peut créer un modèle de méfiance généralisée qu’il pourra être tenté de reproduire à l’âge adulte, sans même s’en apercevoir.

4. Une faible estime de soi chez l’enfant et plus tard l’adulte qu’il deviendra

Lorsque les enfants sont pris dans un conflit de loyauté, ils peuvent développer une faible estime d’eux-mêmes, car ils ont le sentiment de ne jamais être à la hauteur des attentes contradictoires de leurs parents. De ne jamais faire assez bien pour préserver ou contenter tout le monde. Ce sont des enfants qui se sentent toujours pris en défaut.

 Ce manque de confiance en eux peut les accompagner jusqu’à l’âge adulte, influençant leur capacité à prendre des décisions et à gérer leurs propres relations.

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.