Comment parler de problèmes d’argent à ses enfants
Toutes les familles peuvent un jour ou l’autre être confrontées aux soucis financiers mais les parents séparés et les familles monoparentales sont malheureusement plus exposés que les autres. Et il est rarement évident de savoir si et comment aborder ces problèmes avec nos enfants. Comment trouver les mots justes pour évoquer des difficultés d’argent ? Et comment adapter son discours à l’âge de son enfant ? Les réponses d’une professeure de psychologie.
Par Rachael Sharman, professeur de psychologie à University of the Sunshine Coast (en Australie). Article précédemment publié sur le site TheConversation.
Adolescente, j’ai connu récession des années 1990 en Australie, et je me souviens clairement de cet ami qui avait demandé à son père un peu d’argent pour aller au cinéma. Tout à la fois frustré et résigné, son père lui avait expliqué qu’il venait d’être licencié et qu’il n’était pas certain qu’un autre emploi se profile à l’horizon. Il n’avait donc pas de quoi lui donner de l’argent de poche pour des billets de cinéma. Plutôt que de nous bouleverser ou de nous effrayer, cette réponse avait été une sorte d’illumination par les adolescents un peu désemparés que nous étions.
C’est de cette manière que de nombreux enfants apprennent les difficultés financières de leurs parents : en se voyant refuser quelque chose qu’ils ont toujours pu avoir. C’est ce qui produit un déclic.
Mais il n’est pas facile de parler à ses enfants de l’augmentation du coût de la vie. Beaucoup de parents craignent d’inquiéter leurs enfants ou de leur inculquer pour le restant de leurs jours un « état d’esprit de pénurie », c’est-à-dire le sentiment que toute dépense serait une erreur.
Alors, comment trouver les mots justes pour évoquer des difficultés d’argent ? Et comment adapter son discours à l’âge de son enfant ?
Restez calme et expliquez les choses simplement aux enfants
La plupart des enfants en âge de fréquenter l’école primaire n’ont pas conscience de la réalité économique qui règne en dehors de leur famille et de leur entourage immédiat. Ils n’ont pas encore développé la capacité de remettre des changements soudains en perspective.
L’essentiel est de ne pas laisser vos propres angoisses déteindre sur eux. Les enfants de cet âge considèrent leurs parents comme des points de repère et vont refléter toute crainte ou anxiété que vous exprimez, parfois de manière disproportionnée. Le calme et la simplicité sont donc des clés importantes.
Expliquez simplement que les choses coûtent de l’argent et que vous n’en avez pour l’heure pas autant que d’habitude, de sorte qu’en tant que famille, il y a certaines choses que vous ne pouvez plus vous permettre.
Les très jeunes enfants peuvent être d’un narcissisme impitoyable, ce qui est normal à ce stage de leur développement psychique. Ils peuvent même exiger que vous travailliez plus, ou plus dur, pour qu’eux puissent s’offrir les articles et les activités qu’ils désirent. Le mieux que vous pouvez faire est de rire de ce type de réponses et de dire que vous allez essayer, tout en expliquant que, pour le moment, il faudra se tourner vers d’autres loisirs.
Envisagez un programme qui substitue à leurs anciennes activités des activités gratuites. Par exemple, expliquez-leur que, s’ils ne peuvent pas pratiquer leur sport habituel cette saison, vous irez au parc local chaque semaine pour taper dans un ballon et faire un pique-nique à la place.
Donnez un rôle aux adolescents
Selon le plus ou moins grand intérêt qu’ils accordent à l’actualité et leur appréhension des maths et de l’économie, une baisse soudaine du budget familial peut également constituer un choc pour les adolescents.
Mais vers l’âge de 12 ans, les enfants connaissent une sorte d’explosion de leurs capacités à comprendre et traiter des informations. Non seulement ils seront en mesure de saisir votre situation mais aussi de vous donner un coup de main.
En donnant aux adolescents un « rôle » à jouer pour aider la famille, on leur donne un sentiment de compétence et cette façon d’envisager les problèmes en équipe répond aux inquiétudes qu’il peuvent ressentir. En d’autres termes, ils se sentiront moins impuissants. Cette approche s’appuie sur ce que les psychologues et les chercheurs appellent la « théorie de l’autodétermination ».
Ce concept fondé sur de nombreuses études postule que la plupart des êtres humains ont un besoin inné de :
- faire l’expérience et de démontrer leur autonomie (faire leurs propres choix, agir de leur propre volonté) ;
- ressentir qu’ils sont bons dans quelque chose, d’avoir accompli quelque chose de valable ;
- de bien travailler avec d’autres, en particulier avec des personnes qui leur sont chères.
Travailler en équipe pour atteindre un objectif commun est donc un excellent moyen pour une famille de se serrer les coudes et de contribuer au bien-être mental de chacun. Discutez avec vos adolescents des activités, des événements et des éléments qui pourraient être mis en veilleuse ou abandonnés. N’oubliez pas que les adolescents ont une perception très fine de l’hypocrisie. Il est inutile de leur suggérer de réduire leurs loisirs, par exemple, si vous n’êtes pas prêts à faire de même.
Profitez-en pour discuter de la différence entre « désirs » et « besoins » et demandez-leur de classer les dépenses familiales dans ces catégories. Discutez calmement des points de désaccord.
Demandez à vos adolescents de réfléchir à des moyens plus efficaces de faire des économies – et de vous y aider. Ils aimeront peut-être trouver des idées telles que faire les courses avec un programme des menus de la semaine dans des magasins moins chers, rechercher les promotions, se rendre à l’école à pied ou en vélo lorsque c’est possible, trouver un petit job ou faire du baby-sitting.
Plutôt que de se focaliser sur ce dont on doit se passer, il s’agit de travailler sur ce qu’on peut faire différemment. Apprenez à vos enfants que la vie peut être semée d’embûches, mais que la façon dont on les gère est essentielle. Cela les aidera à devenir des adultes résilients.
Rachael Sharman, Senior Lecturer in Psychology, University of the Sunshine Coast
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.