Est-il plus facile d’être belle-mère quand on a déjà des enfants ?
Famille recomposée,  Trouver sa place

Famille recomposée : est-il vraiment plus facile d’être belle-mère quand on a déjà des enfants ?

[LE DEBAT] Le rôle de belle-mère – ahhh la fameuse marâtre ! – n’a rien d’évident, quels que soient notre âge, notre situation, notre histoire familiale. Comment trouver sa place auprès de son partenaire, la bonne distance vis-à-vis de l’enfant, un mode d’emploi de l’ex ? C’est souvent une position de funambule et les jeunes femmes qui ne sont pas encore mères, se retrouvent bien souvent projetées dans une réalité de la maternité qu’elles n’avaient pas forcément imaginée ainsi… Les belles-mères déjà mères ont-elles pour autant plus de facilité à trouver leur place dans la famille recomposée ? Ce n’est pas évident. Explications.

Aucune petite-fille ne rêve de devenir belle-mère quand elle joue à la poupée. Aucune femme, aussi bien intentionnée soit-elle, ne sait exactement ce qui l’attend quand elle devient du jour au lendemain la belle-mère d’un petit enfant (plus ou moins capricieux, plus ou moins attachant) ou d’un grand ado (lui aussi plus ou moins provocateur, plus ou moins attachant). 

Voyage en terre inconnue : ou quand on devient belle-mère sans avoir d’enfant

Là où la grossesse offre aux futures mères 9 mois pour se projeter psychiquement dans leur rôle maternel, là où les mois et les années leur permettent de s’habituer et d’évoluer aux côtés de leur enfant, les belles-mères nullipares (que ce mot sonne mal !) se retrouvent projetées dans un quotidien pour lequel elles ne sont pas forcément armées. Les capacités d’adaptation que la recomposition leur demande alors sont considérables. Surtout que si les guides sur la maternité pullulent, il n’y a aucune méthode sûre et éprouvée pour devenir une “bonne belle-mère”. Leur situation se résume plutôt à une “position de funambule” pour reprendre l’expression employée par Sylvie Cadolle, enseignante en philosophie et sociologie de l’éducation et auteure de “Etre parent, être beau-parent”. Sur le fil des attentes des uns et des autres et sans la sécurité d’un filet de préparation, pour faire face au vide.

Fanny, 35 ans quand elle a rencontré Pierre, 28 ans et père de 2 enfants de 2 et 4 ans, se souvient de l’affection qu’elle a tout de suite ressentie pour les petits. C’était pour elle hyper important et un signe, forcément positif, que tout allait bien se passer. Pourtant cette affection et sa douceur naturelle n’ont pas fait le poids, au quotidien, face aux petits caprices de jeunes enfants qui peuvent, sans forcément s’en apercevoir, se transformer en petits tyrans. “J’étais décontenancée par leur colère soudaine, je ne comprenais pas, je n’arrivais pas à les calmer, à leur faire entendre raison quand ils faisaient des crises pour tout et n’importe quoi : un morceau de pizza trop cuit, une barrette pas bien attachée, un manteau qu’ils ne voulaient pas mettre…  Très vite, mon compagnon m’a reproché de n’avoir aucune patience, de ne pas être assez psychologue, de ne pas les comprendre… Pour lui, il suffisait que je me mette “2 minutes à la place d’un gamin de 4 ans”. Sauf que, justement, je ne savais pas ce que c’était qu’un gamin de 4 ans. Ils ne m’avaient pas été livrés avec un mode d’emploi. Comment étais-je censée “savoir faire” ?”

Un investissement variable auprès des beaux-enfants

Farah, en revanche, a tout de suite noué une relation très forte avec les deux filles de son partenaire, de 3 et 7 ans. Jeune, pleine d’énergie, encore au début de sa vie professionnelle, Farah a fait des filles sa priorité les week-ends qu’elle passait avec elles. “J’avais du temps, j’étais super curieuse de les connaître, je pouvais les gâter autant que je voulais. J’avais le soutien de leur père et leur mère ne disait rien. On allait se balader, on faisait mille activités, on est parties à Disney. Je m’éclatais et elles me le rendaient bien, elles ont toujours été super câlines. Aurais-je pu faire la même chose si j’avais déjà eu des enfants moi-même ? Je l’ignore car je ne l’ai pas vécu. Mais j’en doute. Déjà que mon homme a fini par être un peu jaloux (en exagérant un peu), alors si j’avais eu d’autres enfants, j’imagine que cela n’aurait pas pu se passer aussi bien. J’aurais dû me “découper” en 2 ou 3 pour contenter tout le monde.”

En effet, de nombreux témoignages montrent que les jeunes femmes qui n’ont pas encore d’enfants s’investissent souvent davantage auprès de leurs beaux-enfants, endossant un rôle plus quotidien, surtout si les enfants de leur conjoint sont jeunes. Une vraie “bonus mum” comme on dit Outre-Atlantique.

Aimer tous les enfants pareil : le grand tabou et la grande culpabilisation des belles-mères déjà mères

Les femmes qui s’engagent dans une recomposition familiale avec des enfants d’une précédente union sont, quant à elles, face à un écueil de taille : elles doivent assurer la bonne cohabitation de deux (voire trois si elles font un enfant avec leur partenaire) fratries. Des fratries d’âge et d’éducation parfois très différentes. Pour elles, la position du funambule consiste en un travail quotidien d’équilibriste pour répartir équitablement son temps, son attention, son affection, ses reproches et ses agacements. Une position tout simplement intenable mais qui demeure difficilement avouable tant on encourage aujourd’hui le discours qui voudrait qu’un beau-parent puisse “aimer/traiter ses enfants et ses beaux-enfants pareil”. Ce grand tabou est souvent la source de réelles souffrances pour les beaux-parents qui ne parviennent pas à cette équité. “La norme qui impose aux parents de traiter tous leurs enfants à l’identique, constitue le plus souvent dans les familles recomposées une écharde et un débat.

Une lectrice anonyme témoignait ainsi en mp sur Instagram “Je m’en veux mais je n’aime pas mon beau-fils…”. Une culpabilité écrasante alors qu’en prenant un peu de recul nous pouvons tous comprendre qu’il n’est pas possible de décréter que l’on aime quelqu’un, de provoquer l’amour… surtout s’il s’agit d’une petite personne “en formation” que l’on n’a pas élevée et que l’on ne peut pas élever complètement comme on le souhaiterait.

Pourquoi tant de souffrance alors ? Parce que l’on est souvent persuadé que l’amour que l’on ressent pour leur père doit forcément “déteindre” sur les enfants. Que cet amour est nécessaire pour peser au moins un peu face à l’amour inconditionnel que l’on ressent pour ses propres enfants… Ce déséquilibre, pourtant bien naturel, est une réelle difficulté pour les femmes déjà mères qui veulent recomposer avec un homme déjà père.

Une expérience de maman qui peut se révéler utile pour la famille et pour le couple

Pourtant, une fois celles-ci surmontées, leur expérience de maman peut s’avérer utile pour les guider dans leur découverte du rôle de belle-maman. Pour Elise, cela ne fait pas de doute: “Je me demande comment font les femmes qui n’ont pas déjà eu des petits enfants pour s’habituer aux réveils la nuit, aux caprices qu’il faut apprendre à détourner, à la jalousie et l’exclusivité qui font qu’un petit enfant va essayer de vous évincer pour avoir son père rien qu’à lui… Rien de tout ça ne me choque car je l’ai vécu d’abord en tant que mère et que je pense comprendre comment fonctionnent les enfants de Fred. Je vois bien que je suis plus cool que mes copines qui ne sont que belles-mères : Fred me demande du temps rien qu’avec ses filles ? Je ne me sens ni délaissée, ni en danger. Les filles débarquent le dimanche matin dans notre lit en “gâchant” un moment d’intimité avec leur père ? Je me rappelle à quel point mes enfants adoraient faire ça et je les appelle pour qu’ils nous rejoignent sans m’insurger. Mais je sais que j’ai des amies pour qui ce genre de comportements est absolument insupportable. Quelque part, je n’ai plus besoin de l’exclusivité que j’étais pourtant la première à réclamer au début de mon couple précédent. Nous savons lui et moi que nos enfants passeront toujours d’abord et nous sommes tous les deux ok avec ça. Cela me rend plus compréhensive et plus souple vis-à-vis de ses enfants et de lui.” Et nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il en faut, de la souplesse, pour faire cohabiter des adultes et des enfants qui étaient parfois quelques mois auparavant de parfaits inconnus !

Bref, il n’y a en la matière pas de règles, et les ressentis peuvent varier d’une personne à l’autre. Pour Emmanuelle Drouet, psychologue, elle-même mère et belle-mère, “Il n’y a pas une façon d’être belle-mère, mais pour chaque situation, chaque personne, une place à construire”.

Et vous, qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à nous écrire pour partager votre ressenti, votre expérience ou votre franche désaccord, à contact (at) lesnichees.com

Rédactrice depuis presque 20 ans, Coralie s'est spécialisée dans les sujets lifestyle et tout ce qui touche la famille (société, psychologie, éducation, développement de l'enfant, bien-être...). Mère et belle-mère, elle chronique régulièrement sur Les Nichées ses coups de coeur et sa vie en famille recomposée.