« Etre belle-mère est un puissant révélateur de nos failles et de nos forces »
Son métier est d’écouter et d’accompagner les belles-mères en souffrance. Au fil des années, Sarah de La Douceur des Hérissons en a tiré un enseignement : la belle-mérité a un effet « stabilo » sur leur vie. Car elle vient tout surligner : nos forces cachées, nos fragilités et nos zones d’ombres, aussi. Un formidable accélérateur de connaissance de soi, donc, mais qui se fait parfois dans la douleur. Interview.
Les Nichées : Pourquoi, selon toi, être belle-mère aurait un effet « stabilo » sur nos vies ?
Sarah : Quand je parle de la belle-mérité comme d’un « stabilo », c’est vraiment pour illustrer ce que ce rôle a d’intense et de révélateur. Il vient tout souligner, sans exception. Chaque zone, chaque facette de nous-même, de notre histoire, est mise au grand jour. Quand je reçois une belle-mère en séance, quelques mots suffisent, un simple partage de sa réalité au quotidien, et je perçois déjà tout un paysage intérieur : son rapport au monde, aux autres, à elle-même. Ce rôle vient éclairer des parts souvent invisibles : les blessures anciennes qui n’ont jamais été complètement refermées, les insécurités qu’on pensait sous contrôle, mais qui refont surface dans ce contexte exigeant.
Cela met aussi en lumière la relation qu’elle entretient avec ses propres limites, avec son estime d’elle-même. Les conflits internes, qu’ils soient ancrés dans l’inconscient ou dans la conscience, apparaissent, et soudain tout ce qui était dans l’ombre semble souligné, amplifié.
Etre belle-mère, c’est être face à un miroir grossissant
Ce stabilo, c’est aussi un révélateur de forces cachées. Les belles-mères découvrent souvent une résilience insoupçonnée, une capacité à supporter l’ambiguïté, à s’adapter, à prendre soin de leurs valeurs même dans le tumulte. C’est un défi intense, mais il révèle tout ce qu’elles portent en elles, même ce qu’elles n’avaient jamais vu : leur richesse émotionnelle, les parts cachées de leur être.
En somme, être belle-mère, c’est comme être en face d’un miroir grossissant. Tout ce qui était resté discret devient visible. La belle-mérité souligne l’essence de la personne, son vécu, et tout ce qui s’agite sous la surface.
Les Nichées : Comment vient-elle révéler tout ce qu’on ignorait de nous-mêmes (ou ne voulions pas voir) ?
Sarah : La belle-mérité agit comme une loupe sur nos vulnérabilités et nos zones d’ombre. Elle met en lumière nos failles de manière implacable, comme si ce rôle avait le pouvoir de faire ressurgir tout ce qu’on pensait avoir enterré ou maîtrisé.
Par exemple, des blessures d’abandon, enfouies depuis l’enfance, peuvent refaire surface à travers la peur de ne pas être acceptées par les beaux-enfants, la belle-famille ou même par l’ex. Et comme l’a dit Carl Jung, « Tout ce qui ne vient pas à la conscience revient sous forme de destin » : nos blessures non guéries nous attirent souvent vers des situations qui les ravivent. En cherchant désespérément à éviter ce rejet, nos comportements peuvent justement, inconsciemment, recréer le rejet que nous redoutons tant.
Ce rôle peut aussi révéler des croyances limitantes : « Je dois répondre aux besoins des autres » ou « Je suis responsable des émotions des autres ». Beaucoup de belles-mères se retrouvent à douter de leur propre valeur, s’efforçant d’être irréprochables pour justifier leur place dans cette nouvelle famille. Ces croyances les poussent à faire passer tout le monde avant elles, au risque de s’épuiser, comme si leur bien-être dépendait entièrement des autres. Et puis il y a ce qui est inconscient : des conflits internes, des loyautés invisibles, des schémas qui refont surface sans qu’on s’y attende. Être belle-mère, c’est parfois découvrir qu’on se trouve face à des luttes intérieures qui nous échappent, qui nous poussent à examiner enfin ce qu’on ignorait peut-être jusque-là.
En fin de compte, cette expérience révèle tout ce qui était tapi dans l’ombre, même ce qu’on aurait préféré ne jamais voir. Mais en exposant ces failles, la belle-mérité ouvre aussi un chemin pour les comprendre, pour les transformer, en faire une richesse pour soi-même et pour nos relations aussi.
La résilience insoupçonnée des belles-mères
Les Nichées : Justement, comment devenir belle-mère peut, au contraire, venir souligner nos forces, nos atouts, nos qualités ?
Sarah : La belle-mérité peut aussi être un puissant révélateur de nos forces. Là où elle met nos failles en lumière, elle fait aussi ressortir des qualités souvent ignorées ou sous-estimées. Beaucoup de belles-mères découvrent en elles une résilience qu’elles ne soupçonnaient pas, une capacité à faire face, à écouter, à s’adapter. Moi je découvre surtout que derrière tout coeur qui se ferme se cache un besoin d’amour et une envie d’aimer incroyablement belle.
Ce rôle fait appel à une patience immense, à une ouverture de cœur, et à une capacité d’amour au-delà des liens de sang. En prenant ce chemin, les belles-mères prennent conscience de leur pouvoir à transformer des moments difficiles en richesses, elles se renforcent et autant la belle-mérité peut faire baisser dans son estime et sa confiance en soi, autant elle peut les développer comme jamais ! La belle-mérité est un miroir qui non seulement souligne nos vulnérabilités, mais aussi nos ressources et nos forces.
Sarah accompagne depuis plusieurs années des belles-mères et des couples en famille recomposée. Educatrice spécialisée au départ, elle a ensuite choisi de suivre des formations pour accompagner les difficultés de la recomposition (formation en CNV, en cohérence cardiaque, autour de la parentalité et du coaching). Autant d’outils qui lui permettent de proposer des solutions adaptées pour les familles recomposées, dont un programme et un Cercle Privé dédié aux belles-mères. Toutes les infos ici
Les Nichées : Pourquoi est-ce si dur, quand on le vit, de prendre conscience ce côté ‘stabilo » ?
Sarah : Percevoir ce côté « stabilo » est difficile parce qu’en plein cœur de la tempête, les émotions prennent le dessus, et tout semble confus, brouillé. Quand on est immergé dans les défis du quotidien, ce que l’on ressent en premier, ce sont la douleur, la frustration, le sentiment d’être parfois « de trop » ou « pas à la hauteur ». Nos failles apparaissent de manière brute, sans filtre. Voir le positif devient presque impossible, car notre attention est captée par tout ce qui nous fait réagir : les tensions, les doutes, les remises en question. On se retrouve face à des miroirs inconfortables, et notre instinct est souvent de détourner le regard plutôt que d’embrasser ce que l’expérience nous montre. C’est seulement en prenant du recul, en acceptant de regarder nos faiblesses sans jugement, qu’on peut commencer à percevoir ce côté « stabilo » comme une opportunité de grandir et de se connaître davantage. Mais sur le moment, ce recul est difficile à atteindre, car les émotions et les attentes des autres prennent toute la place.
Les Nichées : Que peut-on faire pour y voir clair dans tout ce que cette expérience nous révèle ?
Sarah : Pour moi, y voir clair dans ce que la belle-mérité nous révèle, c’est d’abord apprendre à changer de perspective. Au lieu de se concentrer sur ce qui ne va pas à l’extérieur – l’ex, les beaux-enfants, Monsieur, la société… même si je sais que parfois c’est très violent, je ne veux pas minimiser l’impact de l’extérieur ! – j’invite les belles-mères à se recentrer sur elles-mêmes, à explorer ce que chaque difficulté vient réveiller en elles.
L’idée est de comprendre que chaque tension, chaque émotion est une invitation à découvrir des forces et des ressources personnelles souvent insoupçonnées. C’est en changeant des choses en soi que notre situation évolue. Essayer de changer l’extérieur, c’est bien souvent une cause sans fin.
Trouver en soi la sécurité et la confiance
Pour avoir plus de clarté dans ce que la belle-mérité nous révèle, il s’agit, selon moi, de développer des compétences et des connaissances en connaissance de soi et en compréhension de l’autre. Dans l’École des Sorcières, j’accompagne les belles-mères à travers un processus structuré pour les aider à retrouver leur pouvoir personnel et à reprendre la télécommande de leur bien-être. Mon approche se concentre sur l’exploration intérieure, pour que chaque participante puisse se connaître en profondeur, comprendre ses réactions et découvrir ses ressources et apprendre concrètement comment utiliser ses ressources.
Au fil du parcours, elles apprennent à transformer leurs défis en forces, à communiquer avec authenticité, et à trouver en elles-mêmes la sécurité et la confiance qui leur manquaient. Gagner en clarté et en conscience permet de vivre leur rôle de belle-mère avec plus de liberté et de sérénité. Comme le disait Krishnamurti : “La connaissance de soi est le commencement de la sagesse.” C’est un processus qui libère, en permettant de se recentrer sur ce qui dépend vraiment de soi.
Et puis, je crois que c’est important de ne PAS rester seule et de s’entourer d’autres belles-mères. Dans l’Ecole des Sorcières, elles ne sont jamais seules dans ce processus. La dynamique de groupe permet à chacune de se sentir soutenue, de se reconnaître dans le vécu des autres et d’expérimenter de nouvelles façons d’être. Ce soutien collectif est précieux, car il donne à chacune la liberté d’essayer, de s’affirmer, de se découvrir. La notion de groupe permet aussi de travailler des choses, par exemple si une belle-mère a une tendance à joueur les sauveuses, à être prise par les émotions des autres, un accompagnement en groupe permet de travailler ça pour elle, être en groupe permet d’acquérir cette clarté. En résumé, pour y voir plus clair dans la belle-mérité, je les invite d’abord à retourner la caméra vers elles-mêmes et à comprendre que la télécommande de leur bien-être ne dépend pas des autres.
Sarah et sa propre expérience « stabilo » de belle-mère
« Pour ma part, la belle-mérité a mis tellement mais tellement de choses en lumière, des facettes de moi que je n’avais pas toujours reconnues ou pleinement explorées. J’ai découvert par exemple que j’avais un type d’attachement plutôt anxieux, qui se traduisait par une tendance à anticiper le rejet ou l’abandon, ce qui générait une insécurité très grande dans ma vie de belle-mère.
Ça a aussi révélé mon fonctionnement d’être la « sauveuse » dans les relations, et la croyance profondément ancrée que j’étais responsable du bien-être et des émotions des autres.
Cette expérience a aussi souligné mon hypersensibilité, une qualité précieuse mais qui, comme je ne savais pas quoi en faire, était parfois douloureuse, qui me confrontaient à des émotions intenses.
Ca a réveillé en moi des situations d’enfance qui m’avaient fait engramer que face à certaine comportements de femmes je me sentais fragile.
En travaillant sur ces aspects, j’ai appris à transformer ces vulnérabilités en sources de compréhension et de force, et ce processus m’a énormément enrichie, à la fois personnellement et professionnellement, puisque professionnellement je crois que je n’ai jamais autant appris aussi.