Ces frustrations que connaissent les beaux-parents… et comment les dépasser
Si la place de parent est difficile mais gratifiante, celle de beau-parent est souvent faite de frustrations et d’incompréhensions, que vous ayez des enfants vous-même ou pas. Des émotions complexes, difficiles à avouer, parfois, et à partager avec le parent des enfants. D’où viennent ces frustrations ? Comment les expliquer à son partenaire sans le brusquer et surtout les dépasser ?
Décryptage de ce qui se joue souvent dans la tête et le coeur d’un beau-parent.
Je ne suis pas le/la premier et unique dans le coeur de mon/ma partenaire
Cela paraît évident et pourtant, c’est la source de beaucoup de souffrances chez les belles-mères et beaux-pères qui n’osent bien souvent pas en parler. Se mettre en couple avec quelqu’un qui a déjà un enfant, c’est passer après. Après une première d’histoire forte. Après ce quelqu’un qui a été, avant nous, l’amour de la vie de la personne qu’on aime. C’est aussi renoncer à être un jour, celui ou celle à qui elle ou lui dira oui pour la première et dernière fois de sa vie. Renoncer aussi – et surtout – à devenir parent ensemble. “Au moment où l’on a posé ma fille sur moi, tout de suite après sa naissance, dans ce moment inoubliable, j’ai croisé le regard de mon mari. Je voyais bien qu’il était ému, je voyais bien son sourire… Mais en cet instant qui aurait dû être magique, j’avoue avoir pensé qu’il ne vivait pas la magie comme moi je la vivais. Parce qu’il était déjà passé par là deux fois. Ce ne pouvait pas être le miracle que je découvrais. Et aujourd’hui encore, même si ces pensées sont revenues à chaque première fois – la première purée à la cuillère, le premier “papa”, le premier pas – je m’en veux et j’en ai honte. Mais ça me fait souffrir, à l’intérieur. J’en ai pleuré souvent.”
Je dois le/la partager avec ses enfants et c’est difficile
L’amour est exclusif, dévorant, exigeant, surtout à ses débuts. De même que l’absence de l’être aimé est difficile, le fait de devoir partager les moments ensemble avec d’autres – surtout des petits êtres aussi demandeurs de temps et d’attention que des enfants – peut être mal vécu. Vous rêvez d’un moment romantique en tête à tête ou d’une nuit passionnée sans devoir vous soucier de l’heure ou des petits pas dans l’escalier ? Avec des enfants, le temps à deux devient un temps chronométré, un temps sous contrainte. Et surtout, certainement le plus dur, il est impossible d’improviser. Adieu la grande surprise, le changement de programme sur un coup de tête, la passion débridée au pied levé… Avec des enfants, tout s’anticipe, tout se complique.
Certains pourront aussi avoir la désagréable impression de devoir toujours passer “après”. Après le petit creux, l’envie de faire pipi, les problèmes de dodo ou le caprice de l’enfant… Et même si on le comprend, intellectuellement, rationnellement, il nous arrive simplement parfois d’être las.se de ces contraintes que l’on n’a finalement pas choisies. Las.se de cette impression sournoise que passer “après” cela peut sous-entendre d’être moins aimé.e. Jaloux.se ? Peut-être un peu, mais après tout, il est humain de vouloir être l’objet de l’attention (et la tendresse) de son amoureux ou de son amoureuse.
Quand ses enfants sont à la maison, je ne me sens plus chez moi
“J’ai très vite emménagé chez mon amoureux qui avait ses 3 enfants un week-end sur deux. Moi, je n’en avais pas et me réjouissais des moments en famille qui nous attendaient. Surtout que ses enfants étaient adorables, j’ai eu pour eux un vrai coup de foudre. Mais je n’avais pas anticipé que les week-ends tous les cinq allaient être si difficiles : moi qui ait de gros horaires au travail, j’ai vite compris que je ne pourrais plus faire de grasse mat’ un week-end sur deux. Les petits débarquaient aux aurores et sautaient dans le lit, ce que je trouvais charmant au début. Mais très vite, j’ai eu l’impression… d’être en trop. Dans le lit de leur père, dans la cuisine (ils trouvaient mes plats “pas comme ils avaient l’habitude”), dans la maison quand ils y étaient. Ils touchaient à tout, déplaçaient tout, faisaient du bruit non stop… Je n’avais tout simplement pas l’impression d’être chez moi. L’ambiance n’était tout simplement pas la même. Et l’appartement, assez petit, ne me laissait que notre chambre pour m’isoler un peu et souffler. Très vite, j’ai eu l’impression que la chambre était devenue mon unique horizon de ces week-ends. J’en ressortais le lundi matin plus fatiguée que le vendredi, et surtout un peu aigrie.”
Comme Fanny, 33 ans, de nombreux beaux-parents se trouvent vite “envahis” quand les enfants de leur conjoint débarquent. Et c’est normal. Dans Vivre heureux dans une famille recomposée, Yvonne Poncet-Bonissol et Stéphanie Assante expliquent que cette cohabitation implique “que son espace personnel ne soit plus rien qu’à soi. Comme les animaux, cette intrusion peut réveiller des instincts viscéraux de protection de territoire”.
Dans cette famille recomposée, je donne beaucoup et je ne reçois rien en retour
Vous les nourrissez, vous vous en occupez, vous subvenez financièrement à leurs besoins, vous les aimez même peut-être… mais vous avez l’impression qu’ils ne vous donnent rien (ou en tout cas pas assez) en retour ? Que vous êtes transparent.e ? Que seul.e son père ou sa mère “biologique” compte (alors qu’il ou elle en fait moins que vous) ? C’est un sentiment très partagé parmi les beaux-parents qui se sentent parfois exclus du noyau familial, voire très seul.e. C’est surtout le terreau idéal pour que s’enracinent des idées très noires : ses enfants sont ingrats, mon partenaire ne me défend pas, je me sacrifie sans rien en retour…
Des idées très nocives pour la famille recomposée dont il faut discuter pour éviter que le ressentiment s’installe durablement et irrémédiablement. Parce que l’amour enfant/beau-parent n’est pas indispensable (mais que le respect réciproque l’est), parce que l’enfant peut être pris dans un conflit de loyauté qui va l’empêcher de s’attacher (ou de montrer qu’il s’attache) à son beau-parent, parce que parfois, aussi, tout simplement il est à un âge où l’on veut son parent rien que pour soi… ce n’est pas vous qui êtes en cause ! Certainement pas vous en tant que personne !
Vivre Heureux dans une famille recomposée est un guide très utile où les auteures, psy et coach, partagent leur vision et leurs conseils pour chaque membre de la tribu. Pour mieux comprendre ce que chacun traverse, là où peuvent se nicher ses difficultés et pour trouver le moyen ensemble de construire une nouvelle vie de famille.
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Conseils de psys pour dépasser ces ressentis difficiles quand on est beau-parent
Comment dépasser ces frustrations et ne pas nourrir les pensées parasite associées ? Dans Vivre heureux dans une famille recomposée, Yvonne Poncet-Bonissol et Stéphanie Assante donnent quelques recommandations aux beaux-parents :
- Soyez patient.e : accepter que vos désirs se réalisent un peu plus tard que ce que vous espérez
- Faites preuve d’humour : idéal pour dédramatiser une situation ou décrisper tout le monde sur un sujet sensible
- Focalisez-vous sur le positif pour éviter d’apporter de l’eau au moulin de la frustration. Vous embarquerez aussi le reste de la famille dans un mood plus ouvert et positif. Tout le monde y gagnera. Et si vous n’y parvenez pas, essayer de voir les choses différemment, de vous positionner différemment ou de votre mettre à la place d’un autre membre de la famille, cela vous permettra d’interpréter différemment les faits, notamment ceux qui vous heurtent ou vous font souffrir.
- Entourez-vous d’amis aidants et de bon conseils. Ne restez pas seule avec ces frustrations et votre mal-être. Osez parler de ce que vous ressentez dans la famille recomposée. Consultez un thérapeute ou rejoignez un groupe de parole dédié si vous estimez que la situation vous fait trop souffrir
- Faites preuve de compassion envers vous-même. Acceptez de ressentir ces pensées qui sont parfois difficiles. Renoncez à vouloir trop bien faire et acceptez de ne pas pouvoir faire de miracle.
- Recentrez-vous sur vous même : ralentissez, faites-en moins, pensez à vos besoins et prenez du temps pour prendre soin de vous et vous faire plaisir.
- Et surtout : osez en parler avec votre conjoint. Comment ? Evitez d’afficher votre exaspération au quotidien ou de vous poser en victime, en espérant faire changer les comportements du reste de la famille car cela risquerait de les braquer. Parlez-en calmement avec votre conjoint, en-dehors d’une période de crise car la frustration et le ressentiment sont de bien mauvais conseillers en communication. Choisissez un moment calme et un lieu neutre. Parlez de vous et de vos besoins, sans accusation ! (pas de “tu qui tue” ou de reproches trop vifs sur ses enfants)
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