Camille Anseaume : “Ce que j’aurais aimé qu’on me dise quand je suis devenue belle-mère”
Journaliste et autrice, Camille Anseaume a été belle-mère tôt, à 27 ans. Une aventure qu’elle avoue volontiers difficile et dont elle s’est inspirée pour son dernier ouvrage, “Ma Belle,” (Calmann-Lévy). Elle qui n’avait pas d’autres belles-mères autour d’elle, ni de rôle modèle pour la guider, liste volontiers ce qu’elle aurait aimé qu’on lui dise à l’époque, pour lui faire gagner du temps et de l’énergie sur le chemin de la vie de famille recomposée sereine qui est la sienne aujourd’hui.
Et si tu arrêtais de perdre ton temps à penser à l’ex de ton mec ?
“J’ai perdu énormément de temps à penser à l’ex de mon homme. J’ai passé beaucoup trop de temps à la détester, à la critiquer, à parler d’elle, à essayer de l’analyser. Quelle perte d’énergie et de temps ! Surtout qu’être dans cette situation est tellement désagréable.
D’ailleurs, cela fait souffrir mais c’est aussi complètement vain, de passer autant de temps à se crêper le chignon. Le problème, c’est que l’on nous apprend, nous les femmes, à se dresser les unes contre les autres, à s’épier, se comparer. C’est Meghan Vs Kate, Rihanna Vs Beyonce… C’est partout, tout le temps, à la télé, dans les magazines, sur les réseaux.
Le positif, c’est qu’à partir du moment où on s’en rend compte, on peut décider de ne plus céder à cette rivalité féminine. Parce que ce n’est pas une fatalité. On ne naît pas, nous les femmes, avec le gène de la comparaison, de la mesquinerie ou de la langue de pute !”
Et si tu arrêtais de culpabiliser et mettais un peu plus le papa devant ses responsabilités ?
“J’ai réalisé en écrivant ce livre et au fil des années, que je ne mettais pas du tout assez de responsabilités sur mon mec. Je me sentais responsable de tout – et coupable de tout – quand ça n’allait pas. Alors que l’homme, quand c’est lui qui recompose, devrait être le chef d’orchestre. Dans les faits, je pense qu’il faut le forcer parfois à prendre cette place-là. Or il y a beaucoup de belles-mères qui ont le syndrome de la bonne élève et qui ont l’impression que la réussite de la famille recomposée viendra d’elle ou ne viendra pas. Ce qui est totalement aberrant ! Elle a un rôle à jouer, bien spur, mais si elle est bien intentionnée et n’a pas l’intention d’empoisonner sa belle-fille, tout devrait reposer sur le père ! C’est lui qui a le plus de clés et de poids dans l’équation.
Le problème des pères, c’est la culpabilité qui finit bien souvent par tout pourrir. Cette culpabilité, quasi universelle, empêche les pères d’agir comme ils le voudraient mais surtout comme il le faudrait.
Ce qui est absurde, quand on y pense, c’est que les pères fonctionnent souvent ainsi parce qu’ils ont peur de perdre leurs enfants, mais ce sont les seuls qui ne risquent pas de perdre cet amour-là ! On ne perd pas l’amour de ses enfants en mettant des règles. En revanche, la belle-mère – si tant est qu’elle ait réussi à avoir l’amour de ses beaux-enfants – peut, elle, très vite le perdre !”
A lire
Enthousiaste à l’idée de rencontrer sa belle-fille, Louise ne s’attend pas à devenir une marâtre de contes de fées. Avec Blanche cependant, elle se heurte à un mur de glace. Sublime, triste et mutique, la petite fille à la peau blanche comme la neige, aux cheveux noirs comme l’ébène et aux lèvres rouges comme le sang oppose à la bonne humeur de Louise un dédain constant, sous l’œil complice de son père qui, subjugué par la beauté de sa fille, est aveugle à ce qui se trame. Leur relation va vite s’empoisonner. Acerbe et drôle, Louise raconte la difficulté à trouver sa place de belle-mère, ses complexes et ses insécurités exacerbées par l’ombre de l’ex-femme idéalisée.
Ma Belle, de Camille Anseaume, Editions Calmann-Lévy, 18,50 euros. A commander ici
Et si tu arrêtais de vouloir séduire tes beaux-enfants pour qu’ils t’acceptent absolument ?
“Quand on arrive dans une famille, on a très envie de plaire, que tout se passe bien. On peut être dans une démarche de séduction vis-à-vis de ses beaux enfants, comme le père peut lui-même, par peur de les perdre, être lui-même dans cette même mission séduction. Du coup, on se retrouve face à des enfants que l’on cherche à séduire de toutes parts, alors qu’ils ont surtout besoin d’être aimés… et encadrés. En réalité, on n’est pas vraiment là pour conquérir leur cœur mais pour les éduquer et les faire grandir.
Quand on est belle-mère, la tentation de la séduction est complètement naturelle, cela permet de faciliter les premiers liens, les premiers attachements. Mais au bout d’un moment, il faut être capable de dire, “j’ai fait ce qu’il fallait, je n’ai pas reçu les réponses escomptées, je vais rester correcte mais je vais arrêter de faire des efforts dans le vide.”
Pourquoi n’aurait-on pas le droit, s’il n’y a rien en retour ou si les enfants nous manquent de respect, de se mettre en retrait ? De se dire “Je ne suis pas obligée de les aimer, ils ne sont pas obligés de m’aimer. Mais que l’on ne me demande pas de redoubler d’efforts sans être respectée en retour !”
Et si tu inventais la façon d’être belle-mère qui te convient ?
“Quand on devient mère, on a en général au moins un modèle auquel se référer : notre propre mère. On veut l’imiter ou faire différemment, mais au moins on a un modèle. Ce qui est très inconfortable, quand on devient belle-mère, c’est que souvent, des modèles, on n’en a pas, alors que le rôle est compliqué et pas du tout intuitif. Qu’attend-on de nous, exactement ? On doit être présente pour les enfants mais en même temps, on ne doit pas remplacer leur mère. On doit les aimer, mais ne pas attendre d’amour de leur part…
Personnellement, j’ai fini par réaliser que puisque la relation n’était pas vraiment définie, puisqu’il n’y avait pas de modèle à suivre, on avait le droit de l’inventer. On a le droit en tant que belle-mère d’inventer la relation qui nous va !
Un exemple ? J’ai beaucoup pratiqué l’art de la fuite et cela m’a beaucoup aidée pendant un temps. Quand on y réfléchit : si je ne suis pas bien quand ils sont là, si je ne suis pas sûre qu’ils soient bien quand je suis là, alors pourquoi ne pas les laisser un peu à leurs habitudes, à leurs rituels, à leurs souvenirs et à toutes leurs façons de faire ? Autant aller prendre de l’énergie ailleurs pour mieux revenir après.
On peut aussi se dégager des questions d’éducation, par exemple, ou choisir ses combats. Certaines choses peuvent nous saouler terriblement mais il peut être encore plus saoulant de gaspiller de l’énergie à vouloir faire changer les choses. J’ai appris à lâcher aussi, avec le temps…”