Belle-mère cherche place désespérément: le rôle du père en 5 questions
Il nous aime, nous a présenté ses enfants, a souhaité vivre avec nous… Si c’est bien notre amoureux qui fait de nous une belle-mère, la place que nous allons pouvoir prendre dans sa vie et auprès de ses enfants ne dépend pas que de nous ni que de lui. De nombreux facteurs, parfois inconscients, rentrent en ligne de compte. Tour d’horizon des points les plus déterminants pour la famille recomposée, avec la psychologue Emmanuelle Drouet.
Que l’on veuille s’investir ou non auprès de nos beaux-enfants, nous n’aurons comme marge de manœuvre que celle que voudra bien nous laisser leur père. Sous peine, très vite, d’aller au devant de petites tensions, puis de gros conflits.
1- Comment vivait le papa avant notre rencontre ?
Le premier point qui va jouer sur la place que notre conjoint va nous laisser : “sa situation avant notre arrivée. Etait-il célibataire et vivait-il seul avec ses enfants ? Si c’est le cas, il était certainement dans une relation assez fusionnelle avec eux. Après plusieurs années à passer tout son temps avec eux, notre arrivée dans cette famille risque d’être un peu difficile. Car notre présence va la faire “défusionner”, alors qu’elle vivait certainement très bien jusque-là (sans nous, donc).”
La conséquence pour la belle-mère : “Autant s’y préparer tout de suite : si le papa était dans une fusion assez forte avec ses enfants, il va certainement lui être difficile de nous laisser suffisamment de place au moment où nous allons emménager avec lui. Mieux vaut donc, en tant que belle-mère, prendre notre temps et s’armer de patience, pour que les choses se fassent en douceur !”
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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.
En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.
2- Qu’attend le papa de nous en tant que belle-mère ?
“Parfois, les attentes de notre conjoint peuvent être franchement ambivalentes. Un schéma assez classique pourrait se résumer par “occupe-toi de mes enfants, mais n’en fais pas trop !”. Autrement dit, “tu peux avoir un rôle d’autorité sur eux, bien sûr, mais ne les dispute pas trop non plus !””
La conséquence pour la belle-mère : Vous avez du mal à vous y retrouver ? A savoir quelle attitude adopter pour bien faire sans vous exposer à des reproches ? C’est normal ! “Le problème, c’est que le papa n’a pas forcément conscience de son ambivalence. Il peut ne pas être très clair, ni dans les discours, ni dans les faits, parce que lui-même est un peu perdu. Si cela devient trop perturbant pour vous, provoquez une discussion pour lui expliquer que vous ne savez plus vraiment ce qui est attendu de vous.” Cela vous permettra de fixer un cadre ensemble, ouvertement, quant à votre intervention.
3- Etes-vous alignés sur les grandes questions d’éducation ?
“En cas d’opposition sur des principes éducatifs (même minimes, comme l’heure du coucher ou le temps d’écran…), si le papa et la belle-mère sont en opposition, il y a de très fortes chances que le père n’accorde pas de crédit à la position de la belle-mère, même si elle met en avant le bien des enfants.”
La conséquence pour la belle-mère : elle risque de se sentir transparente, non prise en considération, niée dans son autorité, surtout si elle a des enfants elle-même de son côté. Ne pas être entendue sur des sujets quotidiens alors qu’on s’investit dans la vie des enfants peut avoir des conséquences vraiment délétères sur la vie de la famille et très vite sur le couple.
4- Avez-vous le soutien de votre conjoint quand vous devez affirmer votre autorité ?
C’est un sujet sensible, qui découle des points précédents : “Parfois nous n’avons de la part du conjoint que peu ou pas assez de soutien quand on adopte une posture d’autorité face à nos beaux-enfants. Par exemple, si il ne dit rien ou ne nous appuie pas quand on reprend ses enfants en sa présence, il nous sera difficile d’être légitimée dans ce rôle-là, dans cette posture d’autorité.” Résultat bien souvent : un immense sentiment de solitude, et l’impression désagréable d’être assignée au rôle de “bad cop”.
La conséquence pour la belle-mère : en tant qu’adulte qui partage le quotidien de l’enfant, surtout si l’on attend de nous de nous en occuper, nous avons besoin de pouvoir faire preuve d’autorité de temps à autre. “Or c’est le papa et lui seul qui peut nous légitimer. Le problème, c’est que le papa préfère parfois éviter le conflit avec ses enfants, pour ne pas risquer de les vexer et de les avoir à dos.” Une peur qui est souvent interprétée comme de la lâcheté par les belles-mères et qu’il faut savoir aborder de front, en ayant une discussion à froid, pour éviter que les incompréhensions et les ressentiments accumulés ne finissent par gangréner le couple.
5 – Où en sont ses relations avec son ex-femme ?
Que la séparation de votre compagnon soit récente ou non, que leur relation soit restée assez proche ou non, ce qui est difficile pour une belle-mère, “c’est quand son attitude vis-à-vis de son ex n’est pas claire pour nous. Surtout si on a l’impression qu’elle prend beaucoup de place. Cela arrive plus souvent quand l’ex-conjointe n’a pas refait sa vie, si elle est seule ou fragilisée financièrement, votre conjoint peut être tenté de la préserver. Et parfois, on peut avoir l’impression qu’il la préserve plus qu’il va nous préserver, nous… On peut même finir par se sentir lésée…” Voire très seule, une fois encore.
La conséquence pour la belle-mère : “C’est toujours difficile de prendre sa place face à une ex qui en prend encore beaucoup dans le quotidien de son ancien mari, et donc dans notre quotidien. Surtout que parfois, certaines abusent de leur position… On peut finir par avoir l’impression que notre conjoint cède à leurs caprices ou chantages, et cela peut devenir très compliqué pour nous.” Ne restez pas seule face à ces sentiments. Les papas, pris entre le marteau et l’enclume, ne sont pas toujours prompts à écouter ces états d’âme mais vous devez pouvoir les exprimer pour ne pas laisser s’installer, une fois encore, incompréhension et ressentiments dans le couple. Or sans couple fort, difficile de vivre une vie de famille épanouie.