Belle-mère cherche place désespérément : ce qui se joue dans la relation avec les beaux-enfants
Sans lien de sang, ni statut officiel, la place du beau-parent en France ne tient que par sa relation amoureuse avec le parent. C’est beaucoup, mais bien peu pour les enfants, qui n’ont pas choisi de partager leur quotidien avec un adulte qu’ils ne connaissaient pas forcément et dont, souvent, ils se passeraient bien. Décryptage avec Emmanuelle Drouet, psychologue clinicienne, pour comprendre comment les beaux-enfants conditionnent – parfois malgré eux – la place qui sera dévolue à leur belle-mère.
Un mauvais départ
Aucune loi, aucun texte officiel ne vient définir ce qu’est le rôle du beau-parent vis-à-vis des enfants de son ou sa partenaire. Dans sa future vie en famille recomposée, dans ce rôle qui l’attend, rien ne va de soi. “Déjà parce que l’arrivée d’une belle-mère dans une famille signe l’arrêt de mort de tous les espoirs que les enfants peuvent encore nourrir que leurs parents se remettent ensemble. Pour eux, c’est une prise de conscience brutale que papa et maman ne vont vraiment plus pouvoir revivre ensemble demain. La désillusion peut être forte et en général, cela rend les choses difficiles d’emblée pour la belle-mère.”, résume la psychologue.
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Emmanuelle DROUET (@peripepsy sur instagram) est psychologue clinicienne depuis 20 ans. Maman et belle-mère, elle vit à Vincennes en famille recomposée.
En parallèle, elle écrit des romans dont le dernier, L’écho des souffrances silencieuses vient de paraître aux éditions Jouvence.
La belle-mère, une responsable toute trouvée
Circonstance aggravante : “Si en plus, celle qui devient la belle-mère est à l’origine de la séparation du couple parental, celle-ci va être très vite diabolisée. Les enfants ne sont pas censés le savoir ? Peut-être mais souvent, ils le devinent ou finissent par l’apprendre malgré tout. Les enfants n’auront alors pas du tout envie d’investir la personne qui a brisé le couple de leurs parents. Ou de s’attacher d’une manière ou d’une autre à celle “qui rend triste maman”.”
Quand le conflit de loyauté vient tout compliquer
“C’est une situation dont on entend énormément parler dans nos cabinets de psy : les enfants en famille recomposée se retrouvent souvent pris dans un conflit de loyauté énorme”, explique Emmanuelle Drouet. “Ils ont le sentiment qu’en acceptant leur belle-mère, en se montrant affectueux ou parfois simplement en lui parlant ou en obéissant à ses règles, ils vont trahir leur maman. C’est très dur car à chaque fois, pour eux, c’est comme s’ils risquaient que leur maman leur en veuille. Ce conflit de loyauté est source d’une culpabilité très forte et difficile à vivre ! En tant que belle-mère, on ne le voit pas toujours mais on peut être face à des enfants qui auraient envie de se lier à nous mais qui, par peur ou par culpabilité, vont préférer surinvestir le lien maternel. Parfois certaines mamans vont alimenter ce conflit de loyauté, parfois de manière assez transparente – “ça me fera de la peine si tu t’entends bien avec elle” – ou plus insidieusement “Vas-y, vas t’amuser avec papa et sa copine, pendant que je reste seule à la maison”. Que cela soit volontaire ou non, pour les enfants, c’est terrible !”
Quand la maman est morte : la belle-mère face au deuil des enfants
Autre circonstance très délicate : quand la belle-mère arrive dans une famille endeuillée. “Quand les enfants ont perdu leur maman, c’est encore plus dur d’accepter notre arrivée dans la famille, car même si l’on prend toutes les précautions possibles, les enfants auront tendance à craindre qu’on efface toute l’existence de leur maman par notre seule présence, qu’on prenne sa place”, prévient la psychologue. “Bien sûr, pour des tout-petits enfants, le fait qu’une belle-mère arrive dans leur vie peut être très positif, surtout si elle arrive avec son affection et avec la joie qu’elle apporte au papa. Mais souvent l’enfant aura du mal à accepter ou à s’attacher à sa belle-mère car il aura toujours cette peur panique que sa maman soit effacée. Le papa peut même prendre des airs de complice, comme s’il participait lui aussi à gommer la place de la maman et l’enfant peut même finir par lui en vouloir à lui aussi…”