Ados et famille recomposée : pourquoi tant de haine ?
C’est l’âge de tous les dangers pour les familles en général, et les recomposées en particulier ! Pas facile d’emmener les ados dans cette nouvelle aventure sans quelques heurts, au mieux, ou de gros conflits, au pire. Mariane Bauchart-Chaseray est médiatrice et voit souvent des beaux-parents perdus face aux réactions de leurs beaux-enfants. Elle détaille pour Les Nichées ces faux-pas et malentendus qui mènent au clash, pour mieux comprendre comment les éviter.
Les Nichées : Quels sont les principaux motifs de conflit avec les ados au sein des familles recomposées ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Le plus souvent, les difficultés sont liées à un adolescent qui n’accepte pas la nouvelle configuration familiale au moment de la recomposition. Il va réagir fortement et très négativement à ce beau-parent qui arrive dans son paysage. Pour lui, c’est une intrusion dans l’intimité familiale qu’il avait (re)trouvé avec son parent, après la séparation, alors que son parent était célibataire. Cela vient perturber cette relation parfois très fusionnelle et pour lui, d’un coup, c’est un tsunami.
Il faut comprendre que cet adolescent a déjà vécu la séparation de ses parents, souvent, il lui a déjà fallu s’habituer à vivre avec toujours un parent absent, à vivre avec son parent dans une nouvelle configuration. Bien souvent, pour “compenser” la séparation, le parent va mettre en place une relation de proximité très forte, à laquelle l’enfant va s’ajuster… Cela crée une forme de bulle fusionnelle.
C’est pour cela que quand le beau-parent arrive dans leur vie, il vient tout perturber et notamment questionner la place de l’ado. Un nouveau changement qui va créer chez lui des résistances, des peurs, des tensions.
Ce n’est pas le beau-parent en tant que tel qui pose problème, mais bien souvent le fait qu’il va venir perturber un paysage familial qui a été très mouvant et auquel l’ado s’était habitué. Il peut y avoir aussi une loyauté inconsciente vis-à-vis du parent qui n’est pas là. Ne pas accepter ce beau-parent, c’est, quelque part, ne pas trahir son parent. C’est souvent, pour l’ado, sa façon de protéger l’autre parent dans sa dignité.
Les Nichées : Quel est le faux-pas que les parents et les beaux-parents n’anticipent pas forcément en famille recomposée et qui crée des tensions avec les ados ?
Marianne Bauchart-Chaseray : La première chose va bien au-delà des adolescents seulement, car on a pu voir en médiation des enfants de 8 ans avec des réactions très fermées face à la recomposition. Le principal facteur, c’est le temps : on remarque très souvent que les configurations les plus conflictuelles sont les cas où les choses se sont faites rapidement : la rencontre avec les enfants, l’emménagement tous ensemble, l’imposition de nouvelles règles… Ces configurations où chacun n’a pas vraiment eu le temps de vraiment prendre sa place. Cette notion de temporalité est vraiment importante car celle du nouveau couple, très souvent, n’est pas du tout la même que celle des enfants !
Marianne BAUCHART-CHASERAY est Médiatrice Familiale Diplômée d’Etat et directrice d’un service de 11 Médiateurs à l’AGSS de l’UDAF du Nord. Plus d’info sur www.agss.fr
Les médiateurs de services conventionnés ont tous une formation spécifique obligatoire pour l’accueil des médiations Parents/ados
Les Nichées : Cela signifie-t-il que les familles recomposées ont tendance à aller trop vite dans le processus de recomposition ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Souvent, on remarque que les parents qui recomposent, ont eu, au moment de la séparation, des blessures narcissiques. Ils ont besoin de se prouver qu’ils peuvent plaire, qu’ils peuvent reconstruire un couple et être heureux à deux. Cela entraîne des unions qui peuvent se faire rapidement, dans laquelle ils ont envie de tout mêler : leur nouvelle vie et l’ancienne. Mais si le nouveau conjoint est prêt, les enfants ne le sont pas toujours ! Pour les adultes, c’est une nouvelle aventure chouette à vivre. Mais les enfants, eux, ont besoin de temps pour “accepter” que leur parent ne soit plus “tout à eux”, de temps pour accepter le beau-parent dans sa vie. Le temps des enfants est un temps long. C’est souvent dur mais les adultes devraient pouvoir attendre !
Les Nichées : Les beaux-parents n’y sont donc pour rien ? Ou certains beaux-parents sont-ils particulièrement critiqués ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Aussi étrange que cela puisse paraître, les beaux-parents qui sont le plus souvent rejetés par les enfants sont ceux… qui veulent trop bien faire ! Ces beaux-parents qui ont besoin de se faire aimer, qu’ils veulent montrer qu’ils sont appréciés des enfants du conjoint… Parfois, on peut avoir l’impression que c’est comme un gage de validité pour le couple : ses enfants m’aiment bien, c’est que ça fonctionne !
Le problème, c’est que ces beaux-parents qui ont souvent un profond désir que tout se passe bien, en font des tonnes ! Et ce n’est jamais très bon car par exemple, ils ne vont pas vraiment respecter le temps dont aurait besoin l’enfant ou l’ado : pour s’habituer à sa présence, pour apprendre à se connaître, à s’apprécier… Tout ce dont on vient de se parler sur la temporalité des ados.
Résultat : ces beaux-parents déploient plein d’énergie pour que ça se passe bien, pour être aimé, et pourtant, c’est un rejet complet. C’est très dur ! Mais il faut bien comprendre que ce n’est pas dû à la personne, c’est dû à la nouvelle configuration familiale. A ce qu’ils représentent comme “obstacle” dans l’intimité de l’ado avec son parent.
Ce sont des beaux-parents très touchants… et souvent bien écorchés quand ils arrivent en médiation. Car ils s’en sont pris plein la figure par les enfants, malgré toute leur bonne volonté. C’est très ingrat… Et bien souvent, cela met le couple en danger. D’ailleurs, nombre de belles-mères finissent par lâcher.