Mon ado refuse que je refasse ma vie
Famille recomposée,  Heureux ensemble

“Mon ado refuse que je refasse ma vie” : quand la médiation peut sauver la famille recomposée

“Tant que l’autre est là, je ne vis plus ici !“ La guerre est déclarée dans la famille recomposée ? Votre ado n’accepte pas votre nouveau compagnon ou votre nouvelle femme ? Marianne Bauchart-Chaseray, responsable d’un service de médiation familiale dans le Nord, nous explique comment la médiation peut aider à déminer le terrain et apaiser les relations.

Les Nichées : Quand les familles recomposées font-elles en général appel à un médiateur ?
Marianne Bauchart-Chaseray : C’est souvent les parents des familles recomposées qui font appel à la médiation dans des moments de grosses crises, notamment quand l’ado lance un ultimatum “C’est elle/lui ou moi !”. Le parent est en général catastrophé et arrive jusqu’à nous en cherchant toutes les solutions à sa disposition.

Comment se passent les séances de médiation face à ces difficultés ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Nous recevons d’abord le parent et le nouveau conjoint pour comprendre quel est le besoin. Ensuite, nous évaluons s’il faut une séance avec les deux parents pour en parler : faut-il une séance plutôt entre l’enfant et le parent ? Ou est-ce plutôt une médiation entre l’ado et le nouveau conjoint ? Bien souvent, c’est un mix de tout ça… Bien sûr, nous travaillons beaucoup, en amont, avant de recevoir l’adolescent et son beau-parent car les relations peuvent être très tendues. Mais il arrive que la séance entre le parent et l’ado suffise pour remettre les choses en place.

Marianne BAUCHART-CHASERAY est Médiatrice Familiale Diplômée d’Etat et directrice d’un service de 11 Médiateurs à l’AGSS de l’UDAF du Nord. Plus d’info sur www.agss.fr
Les médiateurs de services conventionnés ont tous une formation spécifique obligatoire pour l’accueil des médiations Parents/ados

Qu’apporte cette séance parent-enfant ?
Marianne Bauchart-Chaseray : La médiation consiste avant tout à créer un espace de communication ; en séance, nous aidons chacun à mettre des mots sur ce qu’il vit, sur ce qu’il ressent.
En famille recomposée, quand l’ado rencontre des difficultés de relation par rapport à la réorganisation familiale, il va plutôt reprocher des choses à son parent, plutôt que directement à son beau-parent. Il va lui dire qu’il se fait mener par le bout du nez, qu’il a changé, qu’il ne s’intéresse plus à lui. Ces séances parent-ado sont en général hyper fructueuses, car c’est l’ado qui donne le “la”. Il a d’un coup l’impression qu’il est écouté et qu’il peut décider de ce qu’il fait de ce temps à deux…

Pourquoi la médiation fonctionne bien avec les adolescents ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Auparavant, la médiation était surtout réservée aux adultes. Elle a été ouverte aux ados plus récemment et cela fonctionne très bien pour les rapports parents-ados notamment, car la médiation se concentre sur l’expression des besoins et des émotions… Ce que les ados vont plutôt faire avec facilité ! On remarque qu’ils vont avoir beaucoup de plaisir à accueillir une parole authentique de leur parent sur leur relation… Des échanges qui sont en général assez éloignés de ceux du quotidien. Car dans la vie de tous les jours, les mots parents-enfants sont souvent de l’ordre de la morale, de l’éducation, des choses à faire (les devoirs, la maison, etc…).
La médiation permet de sortir du quotidien pour se dire aussi tout l’amour, l’attachement que l’on ressent… et dans le cadre de la présence d’un beau-parent, la souffrance de ne plus être aussi proches qu’avant.

Comment la médiation aide le beau-parent ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Le beau-parent n’a pas un rôle facile. Souvent, il est plein de bonne volonté mais n’a pas la main sur beaucoup de choses. Ceux que nous recevons nous disent souvent : « quoi que je fasse, on m’attend au tournant ! ». Il faut dire qu’il faudrait quasiment des cours pour que les beaux-parents imaginent l’impact de la nouvelle configuration familiale sur leurs beaux-enfants. Qu’ils puissent comprendre qu’après la séparation, il y a un phénomène de bulle fusionnelle entre le parent et l’enfant, qu’il va venir faire éclater malgré lui. Et comprendre, lui qui se veut souvent réparateur de plein de choses, que l’ado n’est souvent pas prêt à l’accueillir car il sait qu’il va perdre sa relation fusionnelle avec son parent. 
En médiation, on va l’aider à réaliser que ce n’est pas lui ou elle en tant que personne que l’ado rejette. Mais la nouvelle configuration familiale, le nouveau bouleversement de son paysage personnel. Et ce, même si les ados peuvent se montrer particulièrement maladroits, voire ouvertement provocants.

Est-ce la même chose quand le nouveau beau-parent a lui-même des enfants ?
Marianne Bauchart-Chaseray : La présence des enfants du nouveau beau-parent peut représenter d’autres défis. Il peut y avoir un “choc de valeurs”, des modes éducatifs différents, et beaucoup de situations où les uns et les autres vont être maladroits. Face à des ados provocants, un beau-parent peut choisir de prendre de la distance, mais quand lui-même a des enfants, il ne peut se montrer indifférent ou se désengager. Il va donc souvent se durcir, se montrer plus intransigeant, amener des principes éducatifs plus stricts… Et c’est comme ça que les relations se tendent encore plus, jusqu’à rendre le quotidien invivable.
Pour compliquer le tout, les enfants entre eux peuvent reproduire les conflits avec les adultes, dont ils sont témoins, en prenant partie pour leur parent. Cela peut devenir très compliqué si les parents, en amont, n’ont pas réussi à “accorder leurs violons” sur l’éducation notamment.

La médiation peut-elle apporter une solution dans le conflit avec les ex ?
Marianne Bauchart-Chaseray : Dans un monde idéal, pour que tout se passe bien dans la famille recomposée, il faudrait que les adultes puissent justement accorder leurs violons, avant même de rencontrer les enfants. Dans un premier temps, le couple parental en s’informant, en se parlant de l’arrivée de ce conjoint dans la vie familiale, et pourquoi pas en associant dans un second temps ce beau parent qui arrive dans la vie de l’enfant, de l’ado. Cela éviterait à la fois de mettre le beau parent en difficulté au milieu de questions parentales non réglées, mais aussi  de mettre l’enfant en posture toute puissante et à décider de qui peut rentrer ou non dans la sphère familiale, car cela aura été vu entre ses parents. Sauf que, quand la séparation est ou a été conflictuelle, les parents prennent rarement ces précautions. Or c’est là que les problèmes peuvent prendre racine, car nous remarquons que quand les relations s’enveniment avec un ex, c’est souvent que l’un des parents ne sent pas respecté dans sa place… 


Par ailleurs, quand les relations sont trop conflictuelles avec l’ex, quand elles pèsent sur la nouvelle famille recomposée en empêchant les liens de se créer, la médiation permet d’aborder le sujet entre les deux coparents. Le parent qui vit avec son nouveau conjoint va pouvoir exprimer les difficultés que rencontre l’enfant (conflit de loyauté, rejet du beau-parent, etc…), pour que l’autre comprenne que son attitude n’aide pas du tout son enfant, que c’est même mauvais pour lui. 
Cela peut le faire réagir mais attention, cela reste difficile à entendre. Souvent, l’ex se dit “cette place devrait être la mienne”… Accepter le changement, le temps sans l’enfant, la présence d’un autre ou d’une autre auprès de son enfant…  c’est extrêmement douloureux ! ça nécessite un véritable travail d’acceptation de la perte… Mais en tant que médiateurs, en permettant l’expression des émotions de chacun, nous aidons à créer des “déclics” et à trouver des solutions qui soient honorables pour tout le monde.
Le médiateur familial , dans les familles recomposées, tire un premier fil, en recevant celui qui souffre d’une situation familiale et qui souhaiterait que cela s’améliore, puis il va au fur et à mesure ouvrir son espace de parole à chaque membre de la famille qui en est impacté en commençant dans l’idéal par les deux parents en personne, mais pas forcément … une séance de médiation Parent/ados, beaux parents/ados  permet déjà à chacun de se dire ce qu’il attend et ce qu’il ne veut pas … c’est déjà un grand pas pour retrouver un peu d’air dans la vie de famille recomposée !    

Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.