Faire un bébé pour souder la famille recomposée : bonne ou mauvaise idée ?
Famille recomposée,  Heureux ensemble

Faire un enfant pour souder la famille recomposée : bonne ou mauvaise idée ?

[LE DEBAT] Ca y est, vous êtes installés tous ensemble. Que vous soyez déjà parent ou pas, la question de faire un enfant avec votre nouveau partenaire va se poser très naturellement. Dans la fièvre des débuts d’une relation, l’envie peut être très forte et la réponse évidente… mais le quotidien et ses contraintes, la découverte de la vie avec les enfants des précédentes unions peuvent freiner ce désir. A moins que ce bébé, comme on le dit souvent, vienne transformer la nouvelle tribu en vraie famille et apaiser quelques tensions… Mais est-ce toujours le cas ? Tour d’horizon des “pour” et des “contre”.

Un bébé pour “faire famille” durablement

“Fais un bébé, ça met tout le monde d’accord” ! Qui n’a pas déjà entendu ce conseil de la part d’une femme plus âgée ou d’une belle-mère de longue date ? Même les psys sont d’accord : l’arrivée d’un bébé au sein du nouveau couple a très souvent un effet “pommade”, en apaisant notamment les tensions entre beaux-parents et beaux-enfants et même parfois, entre beaux-enfants.

Pourquoi ? Parce que ce bébé va créer des liens – et des liens de sang – au sein d’une tribu qui, jusque-là, reposait avant tout sur la volonté de deux adultes de vivre ensemble, avec tout ce que cela peut engendrer de sensations d’instabilité (rappelez-vous que les enfants des unions précédentes ont déjà vécu une séparation, les chats échaudés craignent l’eau froide). Là, les liens du sang peuvent être perçus comme un élément stabilisateur et apaiser certaines peurs et tensions.

Un bébé “trait d’union”

Sans compter que ce bébé sera le frère ou la sœur de tous les enfants. C’est important car les “quasi” – on l’oublie un peu vite quand on est parent et que l’on souhaite recomposer – sont de parfaits inconnus à la base. Bien sûr, des liens forts et durables peuvent se tisser. Mais certaines études montrent que ce lien est beaucoup plus ténu qu’un lien fraternel “normal”. A partir des entretiens qu’elle avait menés et qui ont donné naissance à son livre “Etre parent, être beau-parent”, Sylvie Cadolle démontre que les quasi ne sont pas vraiment considérés par les enfants de fratries recomposées comme de “vraies frères et soeurs”. Les demi-frères et les demi-soeurs, eux, le sont, justement par le fait qu’il y a un lien de sang. “Ces liens généalogiques sont perçus comme rassurants car inconditionnels et permanents par rapport à la fragilité des liens d’alliance qui ne sont qu’optionnels et ressentis comme temporaires.” 

Le nouveau bébé étant le frère de toute la fratrie, il est le trait d’union qui va cimenter durablement les existences des uns et des autres. Et c’est d’autant plus vrai dans les familles où les rythmes de garde varient. L’enfant “qui reste” avec ses parents manque souvent à ses frères et sœurs qui peuvent alterner entre deux foyers et les retrouvailles sont souvent très fortes.

Un bébé pour faire de la belle-mère une mère

Quand on lit des témoignages de familles recomposées, on s’aperçoit que souvent, la personne pour qui ce bébé va tout changer, y compris dans ses relations avec les autres membres de la tribu, c’est la belle-mère. En devenant mère pour la première fois, ou en devenant mère d’un frère ou d’une sœur, c’est comme si elle changeait de statut. Et il arrive souvent que des relations parfois houleuses s’apaisent miraculeusement une fois le bébé du nouveau couple arrivé. Pour Sylvie Cadolle, rien d’étonnant pour autant : “En général, la naissance du demi-frère contribue à cimenter la famille et à améliorer la relation avec le beau-parent en lui donnant la place de parent du frère ou de la sœur. Alors que la remise en couple de leur parent manifestait clairement devant les enfants que ce parent avait une vie sexuelle, la naissance du demi-frère resitue ce parent à sa place parentale et familiale. L’amant ou l’amante du parent devient un parent, et par là un beau-parent plus acceptable.” 

Sans oublier que l’enfant qui va devenir grand-frère ou grande-sœur y gagne aussi. “Faire rencontrer ses demi-frères des deux côtés permet à l’enfant de créer des liens entre les deux moitiés de son réseau familial et de restaurer en partie l’unité perdue lors de la séparation de ses parents”, poursuit-elle. Ce qui peut expliquer que certains enfants, pour qui le divorce de leur parent était encore une souffrance vive, s’apaisent à ce moment-là.”

A lire !

Etre beau-parent, être beau-parent, de Sylvie Cadolle, Editions Odile Jacob. A commander ici

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Mais un bébé qui peut raviver les tensions de la famille recomposée

Pour autant, ce bébé n’a pas toujours l’effet “pommade” escompté… Pourquoi ? Parce que la première réaction des enfants des précédentes unions peut être très négative, comme le rappelle Sylvie Cadolle : ”La naissance (…) signifie pour les enfants la fin de leur espoir d’une réconciliation de leurs parents”, exactement comme l’emménagement en mode recomposé a pu le faire.

Mais surtout, exactement comme faire un enfant ne résout jamais les difficultés d’un couple, faire un nouveau bébé ne peut suffire à souder une tribu recomposée qui est traversée de trop grands conflits, notamment quand il y a déjà des enfants de part et d’autre. “Dans ces familles recomposées complexes où cohabitent des enfants de trois filiations différentes, l’arrivée d’un enfant du couple recomposé dans une situation familiale tendue ne suffit pas à cimenter une famille, mais peut devenir au contraire une nouvelle occasion de conflits.”

Au premier rang des difficultés : la jalousie, tout à fait naturelle mais parfois envahissante, liée à la peur des enfants de perdre l’amour de leur parent. Ce qui peut arriver à n’importe quel âge (les enfants qui sont déjà majeurs quand leur parent ont un nouveau bébé sont loin d’être épargnés!). Certains peuvent finir par ne plus se sentir chez eux mais “chez le bébé” qui accapare l’attention. D’autant que lui, contrairement à ses demi-frères “alternants”, bénéficie en permanence de la présence de ses deux parents. Ce foyer uni et stable qui est le paradis perdu de nombre d’enfants de parents séparés.

Un bébé à nous : on y va ou on n’y va pas ?

Faut-il alors renoncer à ce projet de bébé ? Bien sûr que non ! Cela reste le projet et la décision du couple. Et surtout, rien n’est joué d’avance : en général, la naissance de ce nouveau bébé se passe bien… à condition, toutefois, de ne pas placer en lui des espoirs inconsidérés (qui seraient d’ailleurs bien lourds à porter pour lui, même inconsciemment) et de garder une attention toute particulière aux frères et sœurs. Comme pour chaque naissance, le bébé vient ébranler les bases – parfois encore un peu fragiles dans le cas d’une recomposition récente – de la famille et oblige chaque membre à trouver une nouvelle place… 

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.