
Conflit de loyauté : les clés pour protéger petits et grands
Lorsqu’un enfant est pris dans un conflit de loyauté, la tentation est souvent de vouloir l’aider directement, de lui expliquer la situation, de le rassurer ou même de « le convaincre » qu’il n’a pas à choisir. Mais paradoxalement, plus on cherche à lui prouver quelque chose, plus il peut se sentir tiraillé. Mes conseils pour réagir efficacement.
La première étape à mon sens, et c’est parfois contre intuitif, c’est de se stabiliser soi-même en tant qu’adulte confronté au conflit de loyauté de l’enfant. Et ce n’est pas toujours si simple.
1. Réguler ses propres émotions avant tout !
Lorsqu’un enfant manifeste envers nous un rejet soudain, un changement d’attitude ou une distance, cela peut être très douloureux.
Se sentir rejeté.e, attaqué.e ou injustement traité.e est une réaction légitime, mais il est essentiel d’accueillir ces émotions avant d’agir, car si l’on réagit sous le coup de la frustration, de l’émotion non accompagnée, cela peut renforcer le tiraillement de l’enfant.
Parce qu’un enfant en conflit de loyauté perçoit les tensions émotionnelles. Si l’adulte se sent blessé, culpabilise, est frustré et manifeste de l’agacement, de la tristesse, de la peur ou de l’impatience, l’enfant peut ressentir une pression supplémentaire :
- « Je fais du mal à ma belle-mère si je prends mes distances. »
- « Je dois la rassurer, mais ça va fâcher maman/papa. »
- « C’est trop compliqué, mieux vaut que je reste neutre et distant. »
L’idée n’est pas de cacher ses émotions, mais de les traverser sans attendre que l’enfant vienne compenser le manque ou réparer la situation.
D’autant plus que lorsqu’un enfant a vécu la séparation de ses parents comme une décision imposée, il peut avoir ressenti un profond sentiment d’impuissance, comme s’il n’avait eu aucun contrôle sur ce qui lui arrivait. Il s’est alors perçu comme un « objet » des décisions des adultes, plutôt qu’un acteur de sa propre histoire.
Face à cela, son système interne va chercher à regagner du contrôle, parfois inconsciemment. Et si l’enfant réalise que ses attitudes liées au conflit de loyauté (se rapprocher d’un parent, rejeter l’autre, osciller entre les deux) provoquent des réactions chez les adultes, il peut y voir une manière d’exister autrement que comme un simple spectateur.
D’où l’importance que l’adulte ait une attitude adaptée, réfléchie, posée et non guidée à chaud par l’émotion (sa culpabilité, sa frustration entre autre).

Sarah est thérapeute et conférencière, spécialisée dans l’accompagnement des belles-mères et des couples en famille recomposée.
Psychopraticienne, elle est formée à différentes approches comme l’hypnose, l’EFT, la cohérence cardiaque, ou encore l’accompagnement familial. Autant d’outils qui lui permettent de proposer des solutions adaptées aux familles recomposées, dont un programme et le Cercle Privé, la première application professionnelle de soutien et d’accompagnement pour les belles-mères.
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Des stratégies pour s’apaiser avant d’interagir avec l’enfant :
- Se confier à une personne de confiance (conjoint, ami, thérapeute) pour exprimer ses émotions sans les reporter sur l’enfant.
- Prendre du recul : « Ce qu’il vit ne parle pas de ma valeur, de moi, de ma personne, mais de son propre tiraillement. »
- Se rappeler que les réactions de l’enfant sont des tentatives de régulation intérieure et non un rejet personnel.
- Se souvenir que ça n’est pas une fatalité, que ça n’est pas pour toujours
2. Adopter une posture la plus apaisée possible
Un enfant pris dans un conflit de loyauté a besoin de stabilité autour de lui. Si les adultes sont eux-mêmes déstabilisés, l’enfant sent cette tension et cela renforce son inconfort émotionnel.
- Un adulte calme et stable permet à l’enfant de ressentir que tout le monde a sa place.
- Si l’enfant sent qu’on ne lui impose aucune attente émotionnelle, il peut explorer ses propres ressentis sans crainte
Concrètement, cela signifie :
- Accueillir l’enfant sans chercher à compenser un éventuel rejet (par exemple, ne pas exiger un câlin, un sourire). Quand vous, vous avez des difficultés avec quelqu’un, est-ce que cela vous aiderait qu’on vous force à l’apprécier ?
- Maintenir une attitude bienveillante et cohérente.
- Lui laisser le temps et ne pas sur-analyser ses réactions.
3. Comprendre ce qui est en jeu pour l’enfant
Le conflit de loyauté n’est pas dirigé contre l’adulte. Ce n’est pas un enfant qui « joue un double jeu », qui « manque de respect » ou qui « fait exprès » de blesser quelqu’un. C’est une tentative de survie émotionnelle, pour répondre à des besoins qu’il ne sait pas encore gérer autrement.
Les besoins sous-jacents au conflit de loyauté :
– Besoin d’appartenance :
« Si j’aime ma belle-mère, est-ce que maman va encore m’aimer ? »« Si j’ai du plaisir dans cette maison, est-ce que je suis en train de trahir mon autre foyer ? »
Un enfant en conflit de loyauté peut s’interdire d’être à l’aise, car il craint de perdre l’amour ou l’approbation de l’autre parent.
– Besoin de sécurité affective :
« Si j’apprécie la maison de papa, est-ce que maman va être triste ? »
Il veut éviter que l’un de ses parents souffre. Parfois, ce n’est même pas un discours explicite : il devine une émotion, un regard, une réaction silencieuse qui lui fait comprendre que quelque chose « ne va pas » s’il exprime du bien-être chez l’autre parent. Si l’un des parents n’a pas assez confiance en lui et en sa relation à l’enfant, l’enfant peut le sentir, d’où l’intérêt d’accompagner les adultes à avoir une assez bonne confiance en eux pour qu’ils n’aient pas peur d’être ‘moins aimé’.
– Besoin de cohérence interne :
« Je ne peux pas aimer deux mondes en conflit, sinon je suis en faute. »
L’enfant a parfois du mal à concevoir qu’il peut aimer plusieurs personnes en même temps, surtout si les relations entre adultes sont tendues. Pour lui, il doit choisir un « camp » pour se sentir aligné intérieurement. (Voici un article pour les aider : https://blog.ladouceurdesherissons.com/dessin-famille-recomposee)
L’objectif ? Repérer ses besoins et l’aider à répondre à ces besoins autrement :
- Lui montrer qu’il n’a pas à prouver son amour pour être accepté.
- Lui dire qu’il a le droit d’aimer tout le monde, et que cela ne blesse personne.
- Lui offrir un cadre émotionnel stable, où il n’a pas à choisir, justifier ou cacher ses émotions.
4. Permettre à l’enfant d’exister sans pression
L’enfant doit sentir qu’il peut être lui-même, avec ses émotions fluctuantes, sans crainte de décevoir ou de blesser quelqu’un. Pour cela, il est important de :
– Ne pas exiger qu’il exprime son attachement. Il peut aimer sans le verbaliser ou sans le prouver à chaque instant.
– Ne pas le pousser à « rassurer » un adulte. Par exemple, ne pas lui poser de questions du type : « Tu es bien ici, hein ? » qui peuvent être ressenties comme des attentes déguisées.
– Laisser place au silence et aux émotions sans interpréter trop vite. Si l’enfant est distant, cela ne signifie pas qu’il rejette la relation sur le long terme.
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