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“Il y a souvent un décalage entre l’image que l’on renvoie en tant que belle-mère et celle que l’on a de nous-mêmes dans ce rôle”

Sacha a vu ses parents se séparer quand elle était très jeune et a grandi au sein d’une large famille recomposée, qui lui a offert des beaux-parents et des frères et sœurs dont elle est encore proche aujourd’hui. Belle-mère à son tour de 2 jeunes enfants, elle revient sur l’impact que son histoire a sur son quotidien avec ses beaux-enfants et sur sa quête de la “juste place” dans sa tribu. Interview.

“J’ai croisé Monsieur Papillon, mon compagnon actuel, pour la première fois dans un concert. Je l’ai tout de suite remarqué et j’ai su des années plus tard que lui aussi, m’avait remarquée ! Pourtant, ce soir-là, ça n’est pas allé plus loin qu’un échange de regards. Le hasard (ou pas ?) de la vie a fait que, quelques mois plus tard, j’ai rejoint l’association dont il faisait partie depuis plusieurs années déjà. La connexion entre nous a été rapide, fluide, évidente… d’un point de vue amical d’abord. J’étais en couple, lui était marié avec deux enfants, il n’était pas question d’envisager une quelconque relation. Je crois qu’on n’y pensait même pas ! On était juste heureux de ce qu’on partageait et de cette amitié qui grandissait. Et puis, au bout de six ans, l’amitié a évolué. On a commencé à échanger de plus en plus de messages. On a fini par se rendre à l’évidence et admettre que nos sentiments étaient plus forts que ce qu’on voulait bien se raconter. De mon côté, j’étais alors célibataire, mais lui était toujours marié. Quand on a compris ça, Monsieur Papillon a très vite clarifié sa situation personnelle et quitté sa femme. Ça a été difficile, pour tout le monde. Mais en même temps, c’était le choix le plus évident, celui qu’on ne regrette pas et qui nous rend heureux aujourd’hui.

Une première rencontre avec les enfants un peu stressante

Je connaissais déjà ses enfants, Feuille d’automne et Poisson-clown, quand Monsieur Papillon et moi avons démarré notre histoire. J’avais déjà partagé des moments avec eux dans le cadre de l’association. Pourtant, on a quand même attendu six mois avant de se revoir à quatre. C’était important pour nous, adultes, de leur laisser le temps d’assimiler la rupture de leurs parents et mon nouveau statut de belle-mère. Je passais de « Sacha, l’amie de papa » à « Sacha, l’amoureuse de papa ». Je les ai revus pour la première rencontre lors d’une sortie au restaurant. J’étais très nerveuse et me posais mille questions. Comment me comporter ? Comme avant ? Et en même temps, ce n’est plus comme avant. Est-ce qu’ils m’en veulent ? Est-ce que je dois être comme d’habitude avec Monsieur Papillon ou plutôt sur la réserve ? Est-ce que je vais « savoir faire » ?

Feuille d’automne vivait le même stress, avec d’autres questions, de son côté. Monsieur Papillon, lui, était serein. Et puis en fait, tout s’est très bien passé. Avec Feuille d’automne, le naturel est immédiatement revenu et tout mon stress est redescendu quand je me suis trouvée assise à côté d’elle. Poisson-clown était plus réservé. Il me fixait de ses grands yeux et de son regard sérieux. Il n’a presque pas parlé de toute la soirée. Mais au moment du dessert, il a chuchoté quelque chose à l’oreille de sa sœur. Elle lui a alors laissé sa place et il s’est collé à moi, sans rien dire. Quelle émotion, quel bonheur indescriptible ! Je les ai aimés à l’instant où je les ai revus, tous les deux. Nous avons emménagé ensemble quelques mois plus tard, après en avoir discuté avec les enfants. Nous les avons en garde alternée, une semaine sur deux.

Quand vivre tous ensemble insécurise les enfants

Les premiers mois de belle-mère tant que nous ne vivions pas ensemble ont coulé de source. Les enfants étaient ravis à l’idée de me retrouver chaque fois que nous organisions une sortie. Ils m’ont accueillie à bras ouverts, sans se poser de questions. Ils m’ont fait une place dans leur cœur et dans leur vie, ce qui nous comblait de bonheur, Monsieur Papillon et moi. Quand je n’étais pas là, ils parlaient de moi et demandaient quand ils allaient me revoir.

Ils ont sauté de joie quand ils ont su que nous avions trouvé un appartement et que nous allions vivre tous les quatre. Pourtant, les débuts n’ont pas toujours été évidents. Je crois que ça a vraiment acté la séparation de leurs parents dans leur tête. Avant ça, ils avaient leur papa pour eux tout seuls durant les semaines où ils étaient chez lui.

Là, ils voyaient que je dormais avec lui, que nous étions complices, que nous construisions un nouveau nid, différent de celui qu’ils avaient connu avec leurs deux parents ensemble. Ils ont compris que, quand ils étaient chez leur maman, nous étions tous les deux et que nous continuions à construire ce nid.

Ils ont eu peur de ne plus avoir de place. Peur que leur papa les aime moins. Peur que moi, je les aime moins et qu’ils me dérangent quand ils étaient là. J’ai d’ailleurs fait un post à ce sujet sur mon compte : « Sacha, t’aurais préféré que papa n’ait pas d’enfants ? Tu aurais été plus heureuse si on n’était pas là ? »

Ces questionnements, comme je le disais dans mon post, ont fissuré nos cœurs d’adultes à plusieurs reprises. Pourtant, ils sont légitimes et mon vécu d’enfant de parents divorcés m’a aidée, déjà à ce moment-là. J’avais exactement les mêmes craintes qu’eux à leur âge. Et c’est à partir de là que j’ai commencé à leur parler comme si je m’adressais à moi, enfant.

Belle-mère, un rôle pas si simple à vivre de l’intérieur

Je pense qu’il y a souvent un décalage entre l’image que l’on renvoie et celle que l’on a de nous-mêmes. C’est clairement ce qu’il se passe pour moi, en tant que belle-mère. J’ai conscience de m’être rapidement adaptée à ma nouvelle vie et mes beaux-enfants eux-mêmes me renvoient régulièrement qu’ils sont heureux de m’avoir pour belle-mère. Pourtant… ce n’est pas toujours simple à l’intérieur !

M’adapter à ce nouveau rythme de vie n’a pas été inné. Dans ma tête, il se passait ça : c’est quoi, cette horreur de tunnel du soir ? Pourquoi il faut penser à autant de trucs quand ils rentrent et tout chronométrer ? QUI vient remplir le bac à linge pendant la nuit ? Il se démultiplie, c’est pas possible ! C’est un bizutage, c’est ça ? Et les poubelles ? Depuis quand il faut les sortir aussi souvent ? Comment ça, les courses, il faut les faire plus qu’une fois par mois ? C’est-à-dire, je ne peux plus écrire tranquille en pleine journée ? J’avais pourtant grandi en famille nombreuse, mais il faut croire que je ne me rendais pas compte, à l’époque.

Trouver sa place pas à pas dans la famille recomposée

Trouver ma place en tant que belle-mère n’a pas non plus été évident. Monsieur Papillon, Feuille d’automne et Poisson-clown formaient déjà une famille, avec un mode de fonctionnement établi qui pouvait différer du mien. Comment rester en cohérence avec qui je suis, mes valeurs, sans pour autant bouleverser leur quotidien à eux ? J’ai pris le parti de leur montrer d’autres manières de faire, de leur proposer plutôt que d’imposer. Petit à petit, nous avons trouvé notre mode de fonctionnement. Celui qui nous convient à tous les quatre, qui nous permet de (re)composer dans cette nouvelle famille.

Un autre point délicat : la manière d’éduquer les enfants. Je ne suis pas toujours d’accord avec certaines règles que Monsieur Papillon applique avec eux. Là encore, je ne me vois pas imposer quoi que ce soit ou révolutionner ce qui est établi. Alors, on discute. Beaucoup. Et ce que je trouve chouette, c’est qu’il me laisse une place à part entière. Je participe à l’éducation de ses enfants et de mes beaux-enfants une semaine sur deux. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous communiquons et c’est important.

Les belles surprises de la famille recomposée

Je peine encore à me sentir légitime. J’ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire ce qu’il faut avec eux. De perdre patience (et c’est quelquefois le cas, mais comme n’importe quel (beau-)parent je pense). Le regard de la société et, parfois, de certaines personnes sur la belle-parentalité n’aide pas non plus. On me renvoie que je ne suis pas leur mère et en même temps, on attend de moi que j’assure avec eux. Heureusement, monsieur Papillon, les enfants, ma famille, mes amis… me rassurent. Leur amour m’aide à gagner confiance en moi et à me sentir, petit à petit, légitime. La communauté Instagram des familles recomposées est précieuse aussi ! C’est essentiel de pouvoir échanger sur ce que nous vivons en tant que (beaux-)parents.

L’amour que je ressens pour mes beaux-enfants et celui qu’ils me donnent est la plus belle des surprises. Jamais je n’aurais pensé pouvoir ressentir ça un jour. Avec celui de grande sœur, celui de belle-mère est le plus beau rôle de ma vie. Un rôle qui n’est pas un long fleuve tranquille, mais qui est tellement riche ! Leurs questionnements, leur regard sur le monde, leur évolution me nourrissent. Cette vie en (re)composition m’en apprend toujours plus sur moi.”

Pour retrouver Sacha et les aventures de sa famille recomposée, sur son compte Instagram La Belle-mère adoptée

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Journaliste depuis plus de 20 ans, ancienne rédactrice en chef de Psychologies.com, je m'intéresse depuis toujours aux questions familiales et la psycho au sens large. Je suis moi-même mère et belle-mère et partage ici les meilleurs conseils d'experts pour vivre le plus sereinement possible le quotidien de parent séparé, que vous viviez en famille monoparentale ou recomposée.