J’emménage avec mon/ma partenaire et ses enfants
C’est une étape qui marque un tournant dans la vie d’un beau-parent ; quand on s’apprête à vivre ensemble, en famille recomposée. Mais que l’on emménage au domicile déjà occupé par l’un des deux partenaires, ou dans un logement « neuf », il n’est pas toujours évident de se sentir chez soi sous ce nouveau toit à partager. Les conseils de la décoratrice d’intérieur Anne-Laure Rusak pour aménager, décorer… et s’approprier tous ensemble et en douceur ce nouveau cocon.
Les Nichées : Que faire pour se sentir chez soi dans un logement qui a été occupée par l’ex-mari ou l’ex-femme de son partenaire ?
Anne-Laure Rusak : Si le logement est neuf, cela pose moins de difficultés d’emblée, car c’est un lieu « choisi » par les deux et l’aménagement et les choix de déco se feront sur une base nouvelle. C’est beaucoup plus délicat si on emménage dans un logement déjà occupé par l’ex. Cet emménagement nécessite un réel effort de communication entre les deux partenaires. Chacun doit réussir à se mettre à la place de l’autre et à écouter le ressenti de chacun. Cela nécessite également de dire vraiment les choses, de ne pas faire semblant « ne t’inquiète pas je comprends » peut être remplacé par « je comprends, mais je ressens ça… »Il y a deux aspects dont on doit tenir compte : ce n’est pas juste de demander à l’autre de faire table rase du passé. Ce passé l’a construit et d’une certaine manière a amené l’autre à vous. Un couple est le fruit d’une rencontre à un moment donné de sa vie. D’autre part, il faut comprendre celui qui emménage dans ce lieu déjà emprunt de la vie de l’autre. C’est forcément difficile pour lui. Cela demande beaucoup de délicatesse de la part de celui qui « accueille. » L »‘accueillant » doit faire de la place à « l’accueilli. » Il doit aussi retirer un maximum d’objets, de photos, de déco qui rappellent trop la présence de l’ex, qui ont une signification psychologique et émotionnelle forte. L’idéal serait de pouvoir faire quelques travaux de déco pour changer l’ambiance et créer ensemble un nouveau cocon. Celui qui arrive doit pouvoir mettre sa patte, ajouter sa touche personnelle avec ses propres meubles et objets. Pour qu’il se sente vraiment chez lui, il doit s’approprier les lieux. Peindre soi-même permet de poser une empreinte physique.
Les Nichées : Comment aborder ces changements de déco ou d’aménagement pour tenir compte des enfants (qui peuvent avoir l’impression qu’on veut gommer leur vie d’avant/leur vie avec leur autre parent) ?
Anne-Laure Rusak : Un projet déco peut être un excellent moyen de fédérer la « nouvelle » famille, si on y associe tous les membres. On peut organiser un conseil de famille où chacun peut exprimer ses souhaits : comment imaginez-vous la déco d’un nouveau séjour ? Qu’est-ce qui manque ? Comment pourrait-on l’améliorer ? Attention, il faudra tenir compte de leur avis ( tout en décidant à la fin bien entendu ;-). Les parents doivent accepter que leur temporalité n’est pas la même que celle de leurs enfants et leur laisser peut-être plus de temps. Les enfants ont besoin de repères, ils n’aiment pas trop le changement, mais en même temps s’adaptent plus vite que les adultes… Il ne faut pas tout changer d’un coup, c’est mieux si cela se fait de manière progressive. Les associer et leur montrer qu’ils y gagnent est la meilleure solution. Justement pour éviter qu’ils aient l’impression qu’on renie la vie d’avant.
Riche d’une carrière éclectique en tant qu’artiste et décoratrice d’intérieur, Anne-Laure Rusak a développé un concept innovant visant à favoriser l’épanouissement personnel grâce à son habitat. Elle souhaite apporter un nouveau regard sur la maison, pour aider ceux qui cherchent des clés pour se sentir mieux chez eux et mieux dans leur vie.
Elle est l’autrice de 50 exercices de déco-therapy (Eyrolles)
Les Nichées : Comment concilier les meubles, les affaires personnelles de chacun ? Comment savoir ce que l’on garde en commun ? En sachant que cela vient d’un passé partagé avec un ou une autre ? Comment trouver une harmonie ?
Anne-Laure Rusak : Cela demande un travail d’introspection à chacun : pourquoi ai-je envie de garder ce meuble, cet objet ? Chacun doit être prêt à trouver un terrain d’entente. Ensuite, il faut répondre à ces questions :
1° Est-ce que ce que je veux garder plaît à l’autre ? oui : ok on garde.
2° Qu’est ce que je n’aime pas du tout chez l’autre et/ou m’envoie une émotion négative ? on ne garde pas !
3° Est-ce que le mobilier et les les objets des deux s’accordent ? ( pour que l’ensemble soit harmonieux) : si oui ok !
4° Acheter (ou chiner) quelques pièces « neuves ».
L’important reste encore de communiquer. Pour certains, les affaires de l’ex-vie ne dérangent pas, pour d’autres c’est intolérable… Certains auront besoin de tout reprendre à zéro…C’est primordial de s’écouter et de faire un pas vers l’autre.
Les Nichées : Faut-il nécessairement repartir de zéro (en termes de décoration, d’ameublement) ?
Anne-Laure Rusak : Comme évoqué plus haut, les affaires de l’ex-vie ne dérangent pas certains mais sont insupportables pour d’autres… Cela peut être la première épreuve du couple ! Il faut respecter la sensibilité de tous.Certains auront besoin de tout reprendre à zéro par envie commune de construire un nouveau nid.Chacun doit aussi s’interroger : Pourquoi ai-je besoin de tout effacer ? Quelles peurs se cachent derrière ? (la peur d’être moins aimé que l’ex ? Le manque de confiance en soi ?…)Si cela devient conflictuel, faire appel à un décorateur est une bonne solution car cela « apaise » et permet de faire des choix objectifs qui conviennent à tout le monde ( c’est vrai aussi pour les couples mariés…)
A lire : 50 exercices de Déco-Therapy, d’Anne-Laure Rusak
Vous avez besoin de renouveau, de changement ? Votre chambre est encombrée et vous y dormez mal ? Vous aimez les couleurs vives mais n’osez pas les utiliser ? Votre maison ne reflète pas votre personnalité ? Ces 50 exercices vous aideront à révéler toute l’énergie positive de votre intérieur et à en faire un lieu aligné sur vos valeurs et votre soif de transformation.
Les Nichées : Comment peut-on favoriser des endroits « à soi », qui nous ressemblent, dans ces « maisons puzzles » ? Comment en faire des lieux de ressourcement ?
Anne-Laure Rusak : La chambre du couple est le lieu capital à privilégier dans ces conditions. Elle doit impérativement être refaite et le mobilier changé. C’est le lieu de ressourcement par excellence et le plus intime. Hors de question qu’il reste une empreinte de l’ex ! L’idéal serait que chaque membre de la famille ait un endroit « à soi », même petit, où il puisse recréer son univers, mettre les objets, couleurs, tableaux, photos qu’il aime et qui ne soit qu’à lui. Cela peut être un petit coin dans un salon, une bibliothèque dans une chambre, un bureau…
Les Nichées : Est-ce qu’il existe des pièges ? Des faux-pas dans l’aménagement ou la décoration qui favorisent les tensions, le trop-plein d’émotions ?
Anne-Laure Rusak : Vouloir garder absolument un meuble ou un objet symbolique du mariage de l’autre (un cadeau de mariage par exemple), des photos de l’ex visibles tous les jours (dans des espaces communs), des photos qui évoquent un souvenir partagé avec l’ex (des photos de vacances ou de voyage par ex, même si la personne n’est pas dessus (elle l’est dans l’imaginaire). Et à contrario obliger l’autre à se séparer de tout ce qu’il avait : cela devient un deuil difficile à digérer et qui risque d’enfler avec le temps.Tout laisser en l’état également : le deuil de la relation précédente ne se fera pas.Encore une fois, forcer est la pire des erreurs, il faut laisser du temps à l’autre.
Les Nichées : Et au contraire, existe-t-il des moyens de cultiver la sérénité dans un logement via la décoration ?
Anne-Laure Rusak : Si chacun peut exprimer sa personnalité, ses goûts, la maison rayonne de joie ! Plus un espace est rempli d’énergie positive, mieux on s’y sent. Pour cela, chacun doit trouver sa place psychique et physique et créer un lien affectif avec le lieu. Et on crée du lien quand on aime ce qui nous entoure. C’est en amenant de soi qu’on crée un vrai « chez soi ».