Mon enfant est-il manipulé par son autre parent ?
Ses réactions vous surprennent ? Ses mots ne vous semblent plus les siens ? De la distance s’instaure ? Vous avez peur que votre enfant soit manipulé par son autre parent et que votre relation en pâtisse… Si votre crainte est normale – qui n’a pas peur de perdre l’amour de ses enfants ? – les signes de l’emprise ne sont pas toujours ceux que l’on croit chez un enfant. Bruno Humbeeck, psychopédagogue et chercheur en sociopédagogie, nous aide à démêler le vrai du faux en décryptant les réactions de nos enfants face à la séparation.
Si votre enfant prend toujours la défense de son autre parent
Vous avez l’impression que votre enfant protège toujours son autre parent ? Qu’il prend systématiquement position en sa faveur ? Que vous ne “comptez pas” ?
Bruno Humbeeck met en garde sur le fait que ce n’est pas forcément le signe que l’autre parent tente de le manipuler. L’enfant, par lui-même, peut être tenté bien inconsciemment de protéger le parent qui lui paraît le plus fragile, ou le plus affecté par la séparation. “L’enfant, par ses représentations, va avoir spontanément tendance à prendre le parti du parent qui lui semble souffrir le plus. C’est un mécanisme naturel chez l’enfant. Une mère qui pleure parce que monsieur s’en va n’est pas quelqu’un qui manipule, c’est quelqu’un qui est triste. Mais l’enfant va évidemment utiliser ce qu’il perçoit. Et donc se dire “maman souffre, je dois rester à côté d’elle. Papa a l’air heureux, il a l’air amoureux, donc il n’a pas besoin de moi”. “
Si les relations avec votre enfant deviennent tendues…
“La première question à se poser est : est-ce un comportement nouveau ?”, recommande Bruno Humbeeck. “S’il était déjà en tension avec son papa ou son maman avant la séparation et qu’après la séparation parentale, il continue d’être en conflit, ce n’est pas du tout un signe de manipulation.”
Une question pour vous aider à y voir clair : “Les comportements qui vous inquiètent ont-ils toujours fait partie de sa personnalité ou sont-ils apparus avec la séparation ?” Vous l’aurez compris, il faut considérer la continuité : si tout avait commencé avant la séparation, il est normal que l’après soit sur la même lancée… “Pour le dire autrement, résume Bruno Humbeeck, si un enfant se montrait difficile, opposant et un peu agaçant avant la séparation et qu’il continue à l’être au-delà, c’est moins inquiétant que si un enfant attachant, facile à vivre et de bonne composition devenait insupportable, agressif et toujours prêt à mettre la relation avec ses parents sous tension.”
Si son discours change
Il prend position de manière radicale sur la séparation, adresse des reproches sur le comportement ou les mots de l’un ou l’autre… Vous avez l’impression qu’il n’est pas/plus neutre du tout ? “Dans ce cas, il faut écouter la manière dont il parle, si le discours de l’enfant est fluide”, prévient le chercheur. “On entend souvent dire : “c’est clair ce que dit l’enfant, hein!”. Mais justement, en la matière, si c’est trop clair, c’est que c’est louche ! Parce que le discours d’un enfant sur son monde affectif alors en pleine rupture, ne peut pas être clair, car il est trop chargé en émotions… Au contraire, il va avoir un discours hésitant, tâtonnant, dans lequel il va peser en permanence les mots, en mesurant le pour et le contre.”
S’il donne l’impression de réciter une leçon apprise, s’il ne fait preuve d’aucune nuance dans son discours, il y a ainsi de fortes chances que ses mots ne soient effectivement pas les siens. “Voilà pourquoi il faut se méfier des prises de position entières, invariables et stables. Elles indiquent surtout que l’enfant ne s’autorise pas à lâcher prise, qu’il se soumet à une conviction qu’il ne se sent pas autorisé à remettre en cause…” Mais cela ne signifie pas pour autant que l’autre parent le manipule volontairement : comme on l’a vu, l’enfant peut de lui-même prendre partie par loyauté. Par peur d’être pris “en flagrant délit de rupture de loyauté”, certains jeunes vont adopter d’eux-même le discours qu’ils entendent chez leur autre parent.
A lire !
Comment agir pour que l’enfant souffre le moins possible de ce cataclysme qu’est pour lui la séparation de ses parents ? Que dire pour le préserver des préoccupations et des émotions débordantes des adultes ? Comment mettre en place une « bonne » résidence alternée ? Dans ce livre, Bruno Humbeeck, psychopédagogue et chercheur en sociopédagogie familiale et scolaire, donne des clés de compréhension et surtout des outils pratiques pour aider les parents… à aider leur enfant dans cette phase difficile pour tous.
Comment préserver ses enfants lors d’une séparation, de Bruno Humbeeck, Mango Editions, 14,90 euros. A acheter ici
S’il fait tout le temps la tête quand il vient à la maison
Votre ado fait des crises à répétition quand il est chez vous ? Le petit n’a envie de rien et n’a pas l’air content d’être avec vous ? La tentation est de croire que l’autre parent leur monte la tête contre vous. “Mais parfois, la tristesse ou le mal-être de l’autre parent peut le plonger dans des loyautés invisibles intenables, insupportables, quel que soit son âge, prévient Bruno Humbeeck. Les enfants vont juste le vivre différemment en fonction de leurs capacités d’expression. L’ado va souvent réagir par des crises, l’enfant plus jeune peut l’exprimer par des comportements d’opposition parfois très subtils. Cela peut-être une réaction de type : “je m’interdis d’être content quand je suis chez maman, parce que c’est à cause d’elle qu’a eu lieu la séparation et qu’elle, elle est heureuse de son côté.” ou “Papa a une nouvelle compagne ? Il semble heureux ? Je vais être insupportable.” L’enfant se prend alors lui-même au piège…
Ce qu’il faut éviter en tant que parent pour préserver la neutralité des enfants
Sans être volontairement manipulatrices, ces petites phrases ont un impact sur les enfants ! Mieux vaut les oublier pour leur éviter la tentation – même inconsciente – de prendre parti.
- Arrêter d’appeler l’autre parent “papa” ou “maman” et le désigner comme “l’autre” : lui ôter son nom, c’est faire comme s’il n’avait plus de rôle à jouer vis-à-vis de l’enfant ! (ça marche aussi pour les “ton abruti de père” et autres joyeusetés)
- Les reproches qui tournent en boucle : en répétant sans cesse les griefs, le moindre détail finit par devenir énorme. Et on frôle parfois le lavage de cerveau.
- Les portraits caricaturaux de l’autre : le résumer à ses défauts ou faire allusion à une “transformation” totale depuis la séparation… C’est déstabilisant pour l’enfant qui peut avoir l’impression que son parent a changé d’un coup (en devenant quelque part un inconnu inquiétant). Votre enfant mérite quelques nuances !
- Prendre l’enfant à témoin ou comme témoin lors de nos désaccords. Il n’a pas de rôle actif à tenir dans ce qui vous oppose. Oubliez donc devant eux les “Tu entends comme ton père me traite ?!” et autres “La petite voit bien ce que tu es en train de faire !”
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